En
10 ans, depuis Le Petit monde de Don Camillo, Fernandel a pris
du galon dans le cinéma de Julien Duvivier. Il est passé de petit
curé du nord de l'Italie à Dieu, en toute simplicité. Tel un
personnage qui se serait égaré d'un film que Pier Paolo Pasolini
n'aurait pas encore tourné, Fernandel débarque dans une ferme
gardée par un totem où tout le monde semble devenu bête et
méchant, la mère qui peste avec sa canne, le grand-père (Gaston
Modot) qui fait semblant de ne plus pouvoir marcher et la petite
Marie au prénom ô combien religieux. Il se présente comme le Bon
Dieu.
Fernandel
arrive au bout de près d'une heure du Diable et des dix
commandements film à sketches que le cinéaste a écrit avec
René Barjavel, Michel Audiard et Henri Jeanson suivant les sketches.
Il faut avant que le Bon Dieu n'arrive découvrir trois histoires pas
franchement affriolantes. La première montre l'homme à tout faire
d'un couvent (Michel Simon) qui ne cesse jamais de jurer (« nom
de Dieu de nom de Dieu »), scandalisant les bonnes sœurs. Or,
il s'avère que cet homme est un ancien camarade de classe de
l’évêque. Il promet à son ami d'apprendre les 10 commandements
et de ne plus jurer.
On
quitte vite le couvent pour un milieu plus bourgeois autour d'une
rivière de diamants disputées par deux amies, Françoise Arnaul et
Micheline Presle. Cette dernière est délicieuse d'hypocrisie, elle
dégage un air de faux-cul irrésistible. C'est cela qui fait tenir
et qu'on n'arrête pas le film. Le troisième sketch avec Charles
Aznavour en petit curé affronte Lino Ventura en malfrat irascible.
Ce court récit cherche à développer un petit polar à travers les
rues de Paris. Là encore c'est pas folichon et seule la voix off de
Claude Rich incarnant le diable qui tente tous ces personnages semble
s'amuser un peu.
En
revanche, les trois autres sketches sont plus amusant. Celui de
Fernandel en Bon Dieu puis celui avec Alain Delon qui croise le
regard et le corps de Danielle Darrieux. L'acteur et l'actrice plus
beaux que jamais jouent à un jeu du chat et de la souris qui
effleure l'inceste puisque le personnage d'Alain Delon, censé être
un étudiant, est à la recherche de sa mère naturelle. Il s'avère
que c'est Danielle Darrieux qui incarne ici une comédienne à la
mode aussi frivole que l'était le personnage de Micheline Presle
dans le deuxième épisode. Quelle que soit la qualité des sketches
(moyenne) et du film (passable), Julie Duvivier aime filmer les
femmes libres.
Je
termine avec le sketch le plus amusant, il passe d'Alain Delon à
Jean-Claude Brialy avec une petite et sympathique pique du serpent
diable pour la Nouvelle Vague. Jean-Claude Brialy travaille dans une
banque mais rêve de ne jamais travailler. Il se fait braquer par
Louis de Funès. Leur duo est inédit, il fallait y penser et
fonctionne à merveille dans une opposition entre le jeune dandy le
vieux roublard vitupérant. Il est de loin le sketch le plus drôle
et le mieux rythmé comme si le cinéaste essayait de prouver après
plus de 40 ans de carrière qu'il savait encore s'amuser comme un
petit fou et varier ses plaisirs comme jadis dans Un carnet de
bal.
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