Rendre
un court hommage à Jean-Pierre Marielle en regardant La Valise
peut paraître étonnant vu que ce n'est pas son meilleur film.
Depuis la mort de l'acteur, les réseaux sociaux que je fréquente,
les sujets radio que j'entends, donnent une réalité de ce que
Jean-Pierre Marielle a réalisé en 40 ans de carrière au cinéma.
Ils sont finalement peu nombreux à pouvoir se targuer d'apparaître
presque toujours avec un visage unique et d'avoir joué des rôles si
différents. Cette moustache au milieu de son visage, bien plus
imposante que celle de son acolyte Jean Rochefort, était somme toute
le centre du génie de son jeu.
On
a beaucoup cité son personnage de musicien janséniste dans Tous
les matins du monde d'Alain Corneau, beaucoup moins celui de gros
beauf libidineux d'Un moment d'égarement de Claude Berri, on
a beaucoup entendu des répliques merveilleuses des films de Joël
Séria avec lequel il a fait plusieurs films dont l'émouvant et
anarchiste Les Galettes de Pont-Aven. Ce qui ressort chaque
fois est l'émotion de sa voix caverneuse dans les drames où il
prêtait son corps et la délicatesse avec laquelle il parvenait à
sortir les pires horreurs. On a entendu de nombreuses de ses
répliques, quelques dialogues cocasses depuis deux jours.
Les
deux touchent au sublime dans Tenue de soirée de Bertrand
Blier. La scène mérite d'être décrite par le menu tant ce qu'il
produit autour de Gérard Depardieu, Miou Miou, Michel Blanc et
Caroline Silhol est digne des plus grands. Depardieu et sa bande ont
cambriolé chez Marielle, un type dépressif. Ce dernier leur offre
le couvert. Puis le trio veut partir mais Marielle, avec regret, sort
son flingue car il veut avec sa femme une partie fine. Tous refusent
mais Jean-Pierre Marielle sort à Depardieu avec un vouvoiement et un
naturel que seuls les films de Blier produisent ceci : « Moi
j'veux vous voir baiser ma femme, un par devant, un par derrière,
Pendant ce temps-là, j'vous enculerai. »
L'acteur
avait alors 54 ans et une ribambelle de succès parmi eux La
Valise. Rien à voir avec le jeu de RTL mais c'est un film
d'espion comme seule la France en concevait, en parodie romantique.
Trois espions, trois pays, trois cultures et une seule femme,
Françoise (Mireille Darc) artiste de cabaret que le commandant Bloch
(Jean-Pierre Marielle), des services secrets israéliens rencontre à
Tripoli. Or les Libyens ne sont pas franchement amis avec les
israéliens, ou les israélites ou les juifs comme le dit le
capitaine Augier (Michel Constantin). Ce dernier travaille pour la
France et doit sortir Bloch de son pétrin : il s'est réfugié
dans l'ambassade de France et il sera exfiltré par la valise
diplomatique. Soit une vraie valise, une énorme valise qu'il va
trimballer pendant tout le film.
Seulement
voilà, rien ne se passe comme prévu, sans quoi le film n'aurait
qu'une courte durée et serait un simple reportage sur l'espionnage.
La première galère vient d'une grève à l'aéroport. Retour à
l'hôtel où Bloch a rencontré Françoise. Il commence à raconter à
Augier dans plusieurs flash-backs comment il l'a rencontrée, comment
il l'a séduite, comment il en est tombé amoureux. La jalousie
gangrène sa tranquillité voilà la nouvelle galère. Il demande à
Augier d'aller la surveiller et ce qui devait se passer se passe,
Augier tombe lui aussi amoureux de Françoise. Comme plus tard le
milliardaire grec Baby (Michel Galabru) puis le lieutenant de l'armée
égyptienne Abdul (Amidou), le tout à travers la Libye, la Tunisie
et l'Egypte.
Ce
qui compte dans les rapports entre les hommes et la femme ce sont les
disputes continuelles qui entraînent des quiproquos, des retards
dans leur itinéraire. On se déplace en voiture, en jeep, en avion,
en chaloupe. Chaque fois, ce pauvre Bloch est obligé de se réfugier
dans sa valise, coincé comme un couillon, engoncé et chaque fois,
il peste comme un beau diable en sortant un complainte sonore
particulièrement douloureuse, un « oïe yoïe yoïe yoïe »
que seuls la voix et le ton de Jean-Pierre Marielle a pu créer. Ce
son est hilarant, il apporte une drôlerie irrésistible à une
histoire particulièrement cocasse surtout quand le cinéaste et son
scénariste Francis Veber lorgnent un peu trop du côté du burlesque
franchouillard facile. Logiquement ce plus qu'apporte Jean-Pierre
Marielle méritait qu'il reçoive le dernier plan du film.
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