Garbo
rit, dit le slogan incrusté sur l'affiche de Ninotchka depuis
maintenant 80 ans. Parait-il qu'elle n'avait jamais ri dans aucun
film avant Ernst Lubistch. Et c'est vrai qu'elle rit mais pas à
n'importe quel prix, il lui faut du lourd, du grotesque comme celui
que le cinéaste tournait quand il était en Allemagne. Greta Garbo
et consécutivement Ninotchka rit quand le Comte Léon d'Algout
(Melvyn Douglas) se casse la margoulette . Cette chute digne du pire
cinéma burlesque, du splastick muet, a le don de dessiller enfin
l'agent soviétique.
Car
le dandy parisien n'avait cessé depuis un bon moment de raconter des
histoires drôles à Ninotchka mais aucune d'elles n'avait eu l'heur
de la divertir. Le tout se produit dans un restaurant populaire de
Paris, où se déroule toute la première partie du film, le Comte
avait suivi Ninotchka en affirmant qu'il « adore les
restaurants populaires » lui qui est habitué au luxe.
Ninotchka aurait pu rire depuis un bon moment de ce sympathique
mensonge destiné à tenter de séduire la jeune Russe. Elle préfère
rire de lui qu'avec lui.
Mais
jusqu'à présent elle était incapable de déceler tout le comique
de la situation qu'elle vit. Cette situation consiste à vivre dans
un hôtel de luxe alors qu'elle représente Staline et l'URSS. En
tant que telle, elle tire la tronche pendant tout le film. Elle hait
les frivolités, elle ne supporte pas la légèreté, elle méprise
le second degré. C'est vrai que seule Greta Garbo pouvait jouer une
femme aussi sinistre, elle avait habitué ses spectateurs à des
rôles plus grand que le destin entre la Reine Christine et
Marguerite Gautier.
Cette
situation comique, elle la doit à son trio d'émissaires soviétiques
venus vendre les bijoux de la Grand-duchesse russe (Ina Claire) pour
renflouer les caisses de l'URSS. Iranoff, Buljanoff et Kopalski (Sig
Ruman, Felix Bressard et Alexander Granach) rivalisent de bons mots
et de raisonnements qui tournent toujours en la faveur. Ils se
donnent les uns les autres la parole dans un trio qui n'est pas sans
rappeler les Pieds Nickelés, plus que les Marx Brothers (cela aurait
été amusant dans un film anti-soviétique d'avoir les Marx).
Les
trois émissaires s'installent chez l'ennemi et ont peur de la
Sibérie mais surtout de leur chez resté à Moscou, le commissaire
Razinin (Bela Lugosi, c'est la seule fois que je l'ai vu jouer autre
chose qu'un vampire). L'une des scènes les plus cruelles pour l'URSS
est celle où le trio attend Ninotchka à la gare. Ils croient qu'un
homme va venir (ils ne connaissent que son nom de famille). Un homme
descend, il ressemble à un agent soviétique mais il va retrouver
son épouse et fait le salut nazi. Tout est dit.
Reste
que assez vite, trop vite à mon goût, le trio comique quitte le
devant de la scène, s'efface du récit alors qu'il l'occupe toute la
première partie pour laisser la place à la romance mièvre entre
Ninotchka et le Comte. Certes, elle réserve quelques bons moments
(la montée à la Tour Eiffel, l'achat du chapeau ridicule, la
découverte du champagne) mais elle s'éternise, elle ne se
renouvelle pas. Il faudra le retour à Moscou pour revenir au
pamphlet politique et surtout l'affrontement avec la duchesse,
peut-être plus terrible que celui avec Razinin.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire