Refaire
le monde avec le sourire, voilà la meilleure définition que j'ai
trouvé sur les internets sur le feel good movie. Cette semaine on en
a deux exemples avec La Lutte des classes et J'veux du
soleil. Deux trublions du cinéma français en tête, ici ce cher
Edouard Bear toujours aussi lunaire, rockeur dans l'âme, auteur
d'une chanson sobrement intitulée « J'encule le pape »,
il incarne dans le quatrième film de Michel Leclerc un éternel
rebelle de gauche incapable de se rendre compte qu'il est devenu un
petit bourgeois insupportable. Là François Ruffin, le poil à
gratter picard qui monte dans son véhicule utilitaire (attention
message subliminal) avec Gilles Perret pour partir à la rencontre
des gilets jaunes autour des ronds-points (et pas dans les manifs du
samedi après-midi).
Chaque
film a une mission. Au début de J'veux du soleil, sur l'air
de Douce France de Charles Trenet (la chanson sera plus loin entendue
dans sa version Carte de séjour), on en tend politiques et
éditorialistes parler d'esprit facho chez les gilets jaunes.
François Ruffin veut prouver que c'est faux. Il n'a pas vraiment pas
de mal à le prouver, aucun gilets jaunes qu'il rencontre ne se
déclare facho. Il croise même un Kamel. CQFD. Tout le début de
J'veux du soleil est construit autour de cette mise en scène
naïve (François sort de sa bagnole, traverse la route et passe
quelques minutes avec eux). Il a un effet apaisant, il écoute, il
amuse (il fait comme s'il était Macron), il console, François fait
le show et les gens aime ça.
A
qui parle-t-il vraiment ? Qui sont ces témoins qu'il rencontre
et qui sont tous sympathiques, ouverts, pas fachos pour deux sous ?
Est-ce qu'ils sont des électeurs de la France Insoumise ? A
vrai dire la réponse est à trouver entre les lignes du dialogue. À
l'un d'eux, François s'étonne qu'il se déclare « intérimaire
en CDI ». Késaco demande le député ? On découvre là
toute une frange de salariés qui ont cru aux sirènes de l'intérim
et des primes à gogo vantés par les gouvernements au début du
siècle et qui se retrouve dans la mouise aujourd'hui avec des dettes
et des crédits. François veut ré-enchanter le monde et son film se
termine d'ailleurs en comédie musicale dans un finale horripilant et
cucul-la-praline.
Le
finale de La Lutte des classes est dans ce même genre d'idée,
il doit emporter le spectateur vers un au-delà du quotidien, ici une
super héroïne qui grimpe les murs de l'école publique pour sauver
les élèves. Le message doit être fort comme chez François Ruffin,
il doit dire que c'est quand toutes les communautés sont unies qu'on
peut avancer. Et pour Michel Leclerc, les communautés sont
religieuses, chrétien, juifs et musulmans, tous ensemble pour
défendre la laïcité et l'école publique face aux petits bourgeois
pâles et sans aspérité qui foutent leurs gosses dans les écoles
privées et catholiques, ici une école Saint-Benoît qu'Edouard Baer
décrit comme l'enfer sur terre à son fiston qu'il a eu avec Leïla
Bekhti.
La
Lutte des classes joue sur la fable en poussant autant que
possible le réalisme pour aller vers un monde qui vivrait isolé à
Bagnolet le tout pour rire de tout avec tout le monde. Le film est
fort plaisant, certes, on s'amuse bien, mais il est dépassé par son
sujet, par ses sujets (religion, laïcité, école, éducation,
mixité sociale, vie en banlieue) effleurés superficiellement sans
jamais prendre parti. Reste Ramzy Bedia et son délirant personnage
de directeur d'école qui parvient à inciter les élèves à aller
voir un film en resquillant, grâce à une ruse redoutable, pour
qu'ils ne traînent dans la rue. Pas grand chose à dire de plus sur
le film qui se contente d'un structure narrative simpliste si ce
n'est qu'on prend du plaisir à voir tous ces acteurs et actrices
jouer si gaiement. En période de sinistrose aiguë au cinéma, ces
petites choses sont bonnes à prendre.
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