mardi 28 novembre 2017

Vivre ensemble (Anna Karina, 1972)


Le même ami admirateur d'Anna Karina qui m'a permis de voir Chaussette surprise m'a prêté son DVD de Vivre ensemble. Là, la belle Anna n'est pas seulement actrice mais aussi réalisatrice. En 1972, alors que sa carrière de cinéma se raréfie, au moins en bons films, dans sa période post Godard, la seule femme cinéaste en France est Agnès Varda (et encore à cette époque, elle est aux USA) et j'imagine que ça n'a pas dû être facile de tourner Vivre ensemble.

C'est sans doute pour palier un budget riquiqui, qu'elle a choisi de ne tourner que dans une minuscule chambre de bonne (en fait un décor en carton dans un recoin de son appartement de Saint-Germain-des-Prés, comme elle le dit dans le bonus du DVD). L'image reste granuleuse, quelques poussières restent collées au bas du cadre, j'avais l'impression de retrouver les images de ces films du début des années 1970 sans que le ripolinage colorimétrique ne soit appliqué. Quelle chance.

Le film commence avec Alain (Michel Lancelot, journaliste, Vivre ensemble sera son unique film) et un de ses amis. Ce dernier, un gros balourd, lit Playboy, se complaisant sur les photos dénudées tandis qu'Alain prend une douche. Alain est professeur de géographie dans un lycée des quartiers chics. Il a sa routine quotidienne, déjeuner au bistrot à midi et le soir, il retrouve son épouse Sylvie qu'il trompe sans même se cacher. Elle va vite le quitter. C'est en se promenant avec son pote qu'il croise à la terrasse d'un café Julie que joue Anna Karina.

Je dois avouer que je ne l'ai pas tout de suite reconnue. Je n'ai vu aucun de ses films post-Godard et son physique a un peu changé, mais le sourire est toujours là. Elle n’apparaît pas en vamp mais au contraire, c'est le naturel de ses tenues, simples débardeurs, cheveux en fil, maquillage typique de l'époque. La comparaison avec son visage jeune en photo sur le mur de sa chambre est ineffable. Pour résumer, cette demoiselle Julie est une baba cool, une soixante-huitarde un peu attardée (le film appuie sur les affiches de Mai 68).

Elle vit de rien, elle se prostitue parfois, elle aurait été mariée jadis et aurait un appartement à New-York. Ses amis sont bruyants, ils fument des joints, ils sortent en discothèque. Alain, qui s'installe chez elle, ne supportent pas ces gens, il le fait remarquer en faisant la gueule. Mais il reste, il quitte son travail, il quitte sa femme, il abandonne ses habitudes bourgeoises pour adopter, petit à petit la vie de Bohème de Julie. Dans un mouvement inverse, Julie devient plus sage, prend un travail de vendeuse et tombe enceinte.


La construction de Vivre ensemble est très simple, en 6 chapitres annoncés par des beaux cartons colorés écrits par Jean Aurel. Au milieu du film, le couple s'envole pour New-York. C'est extraordinaire de voir à quoi ressemblait le quartier de Harlem en 1972, une sorte de bidonville, des buildings en ruine mais aussi des néons partout, des manifs contre Nixon, le bruit de la ville. Ce film unique, plein de mélancolie et parfois de fulgurance burlesque, est l'unique bébé d'Anna Karina, sa revanche sur la Nouvelle Vague.




























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