Cette
année, les films suédois se suivent mais ne se ressemblent pas.
Mai, Palme d'or pour The Square, juin gros succès pour Le
Caire confidentiel polar poisseux sur la corruption, novembre
Borg McEnroe, meilleur de ces trois films, gros bide
commercial. Peut-être que Shia LaBeouf en a effrayé plus d'un,
d'autant plus dommage que le titre et l'affiche sont légèrement
trompeurs puisque l'acteur américain surtout connu pour ses frasques
artistiques (c'est lui qui aurait dû être au centre de The
Square) n'a qu'un rôle secondaire. Et surtout, il est vraiment
très bon dans ce personnage de McEnroe.
Le
biopic commence de façon bien classique et un peu pataude. Björn
Borg (Sverrir Gudnason) s'apprête à jouer le tournoi de Wimbledon
de 1980. Il réside à Monaco avec sa fiancée et part s'entraîner.
Dans la rue, tout le monde le reconnaît, sans enthousiasme tel
« l'iceborg » qu'il est devenu – surnom que lui donnait
la presse britannique, il signe quelques autographes, dit quelques
mots, il joue le jeu de la célébrité sans sembler y prendre le
moindre plaisir. Quand son entraînement est fini, il se rend compte
qu'il a oublié dans son appartement les clés de sa voiture, ses
papiers et n'a pas le moindre sou en poche.
Il
tente vainement de passer incognito pour rentrer chez lui et se
réfugie dans un café sans clients où, miracle, le serveur ne le
connaît pas. Sans argent, il ne peut pas payer. Le cafetier est un
peu étonné de trouver un client sans argent à Monaco. La
conversation s'engage, Björn Borg au lieu de dire qu'il est le
tennisman N°1 mondial et profiter de sa notoriété prétend
s'appeler Rune et propose de payer le café en faisant quelques
tâches, ici ranger des colis dans l'arrière-boutique. L'incongruité
de la situation est comique mais elle montre toute l'ambition de la
mise en scène de Janus Metz.
Le
court de tennis est une scène de théâtre. Des milliers de
spectateurs sont à Wimbledon, des millions de téléspectateurs
assistent à la retransmission des matches et espère cette finale
pronostiquée par tous les journalistes. Au centre de la scène, Borg
et McEnroe doivent jouer les rôles qu'on leur a assigné. Le premier
est d'un grand calme, jamais un mot plus haut que l'autre, le second
est un petit excité, insultant l'arbitre à grand renfort de fuck
et autres amabilités, le premier est droitier, le second gaucher, le
premier européen et le second est américain.
Cette
mise en scène passe par de nombreux flashbacks sur leur adolescence,
sur leur vie de débutant. En Suède (le film est souvent en suédois
ce qui permet d'entendre comment on prononce son nom de famille),
Björn Borg vient d'un milieu très modeste. Un sélectionneur de
l'équipe nationale dira même à sa mère que le tennis n'est pas un
sport de leur classe sociale. C'était avant la démocratisation du
sport, au début des années 1970. Le gamin est repéré par Lennart
(Stellan Skarsgård), le premier tennisman suédois à avoir été
qualifié à Wimbledon, en 1948.
Björn
Borg était un adolescent turbulent, virulent, comme l'est McEnroe en
1980. L'idée de son entraîneur est donc de lui faire abdiquer toute
émotion. Les flashbacks sur l'enfance de McEnroe le montre comme un
gamin, au contraire, d'un grand calme, issu d'un milieu privilégié,
dominé par des parents protecteurs. Le destin de McEnroe s'imbrique
dans celui de Borg, dans la chambre d'ado de John, un poster de Björn
est accroché au mur. L'unique ambition de l'Américain est
d'affronter le Suédois et ce match est magnifiquement rejoué, en
autant d'actes que de sets, dans le finale du film.
Il
arrive parfois aux deux hommes de vouloir sortir de leur personnage.
McEnroe dans une conférence de presse ne veut répondre qu'aux
questions sur le tennis quand les journalistes ne parlent que de la
rivalité. Borg est perclus de tics et fonde sa confiance sur la
superstition, élaborant des rituels complexes et immuables
s'opposant ainsi à la science infuse de John enfant, fortiche en
calcul mental à la grande fierté de son père. Borg et sa fiancée
refusent les propositions des publicitaires qui veulent contrôler
leur mode de vie. Ces deux doubles personnalités donnent au film ce
ton tragi-comique.
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