Depuis
toujours, je crois que le village de Don Camillo est au sud de
l'Italie, dans le Mezzogiorno et non dans le nord, en Emilie au bord
du fleuve Pô. Il faut dire que Fernandel est l'acteur méridional
par excellence depuis Ignace (« c'est un petit petit nom
charmant » chantait-il, le premier film vue par ma mère
pendant la guerre). Tous les villageois ont l'accent du sud, comme
dans le Var, je n'ai jamais vu Le Petit monde de Don Camillo
qu'en version française (après tout, c'est logique, les deux
premiers films, les meilleurs, sont réalisés par Julien Duvivier).
Bref, j'ai encore du mal tant d'années après à concevoir que le
film ne se déroule pas dans le sud.
J'avais
le droit de regarder Don Camillo (son nom est prononcé ca-mi-lo et
non ca-mi-yo, ça aussi je l'avais oublié), mon père trouvait ça
complètement con, ma mère aimait bien mais elle préférait le
livre de Giovanni Guareschi. Fernandel fait partie, comme Louis de
Funès, de mon ADN de cinéphile, j'ai grandi avec lui. Ce qui m'a
encore étonné dans le film (je regarde tous les Don Camillo en ce
début novembre) est qu'il tutoie Peppone (Gino Cervi) quand ce
dernier vouvoie Don Camillo, une marque de condescendance et de
supériorité. Peppone, avec sa moustache ressemble tout à la fois à
Guareschi (un écrivain très réactionnaire) et à Staline.
En
début de récit, il vient d'être élu maire de la commune. Porté à
bout de bras par ses partisans, des pancartes « W PEPPONE »
sont visibles, là aussi, l'enfant que j'étais ne savais pas que
Viva pouvait s'écrire en italien W. Le film se situe en 1946, juste
après la proclamation de la République. Peppone est un maire
communiste, le PCI a longtemps été puissant, le premier parti de
gauche en Italie, bien que jamais au pouvoir, ce qui apparaissait de
plus en plus incongru quand en France le PCF était déjà maigre à
l'époque où je regardais le film. Ce qu'apprend la voix off est que
le curé et le maire ont été résistants tous les deux, des ennemis
farouches de Mussolini. Mais une fois la guerre finie, ils
redeviennent naturellement adversaires.
Le
Petit monde de Don Camillo n'a pas vraiment de trame
scénaristique c'est une chronique au jour le jour avec une
combinaison de saynètes pittoresques. L'antagonisme partisan est le
leitmotiv narratif. En premier lieu, l'adversité entre Don Camillo
et Peppone quand ce dernier devient père d'un nourrisson qu'il veut
prénommer Lénine. « Comment va le petit Lénine »
demande avec sarcasme Don Camillo. Le curé refuse de la baptiser
avec ce nom. Finalement, le maire se résoudra à nommer son fils
Libero Camillo Lénine. Car malgré leur bisbilles incessantes, les
deux hommes à la tête d'une troupe chacun s'aiment profondément et
chaque nouvelle bataille se termine par une résolution commune.
Les
personnages secondaires à prendre part au récit sont d'abord un
couple de jeunes amoureux, à la Roméo et Juliette, issus de deux
familles ennemies, celle du communiste a une terre sans pain, celle
du bigot est un riche propriétaire. Quinze ans avant Berlin, un mur
sépare les deux propriétés. L'autre personnage récurrent est
l'ancienne institutrice, Madame Cristina (Sylvie, l'une des actrices
de La Fin du jour), jamais remise de l'abdication du roi
Victor Emmanuel II (on remarque d'ailleurs une plaque avec son nom
dans la salle de la mairie), qui connaît tout les habitants et qui
traite Peppone d'âne. Elle acceptera, non sans maugréer, de donner
des cours à tous ces communistes qui n'avaient pas écouté ses
cours quand elle était leur institutrice.
Toute
la folie du film est résumée par les dialogues entre Don Camillo et
Jésus (voix de Jean Debucourt), de son crucifix, il ne cesse de
sermonner le curé quand il balance des tables sur les communistes.
Faut dire qu'ils s'étaient moqué de lui quand il traversait le
village en vélo de course (en effet, il y avait de quoi). Les
mimiques de Fernandel, son visage confit, ses petites cachotteries
(comme ce gourdin pour frapper Peppone) sont autant d'éléments
comiques faciles. A cela, il faut ajouter l’évêque (Charles
Vissières), tout en courbettes qui vient inaugurer le jardin
paroissial financé par le curé, mais juste après avoir visité la
Maison du peuple construite par Peppone. Et le plus beau dans tout
cela, c'est que je trouve le film encore aujourd'hui drôle et
émouvant.
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