Regarder
Sitcom 20 ans après sa sortie, c'est retrouver les jeunes
pousses du cinéma français d'alors, aujourd'hui un peu oubliées,
Stéphane Rideau tout juste sorti des Roseaux sauvages, Marina
de Van pas encore réalisatrice et son petit frère Adrien, Lucia
Sanchez qui avait enchanté Une robe d'été l'un des
meilleurs courts métrages de François Ozon. Sitcom était le
premier long-métrage de François Ozon, il n'a jamais arrêté
depuis, avec de belles réussites et d'immenses déceptions.
Ce
petit pavillon de banlieue chic qui ouvre Sitcom, c'est celui
d'un film de Claude Chabrol, une famille bourgeoise la mère Hélène
(Evelyne Dandry) prénom ô combien chabrolien, le père Jean
(François Mathouret) et leur deux enfants, Sophie et Nicolas joués
par la sœur et le frère de Van. Ce jour-là, très ensoleillé, la
mère engage une femme de ménage Maria (Lucia Sanchez) et le père
ramène un rat de laboratoire comme un cadeau saugrenu.
Ce
rat, François Ozon ne le cache pas longtemps, c'est le Terence Stamp
de Théorème débarquant dans cette famille, quand il arrive,
les dérèglements commencent. Ça passe avant tout pour la sexualité
comme révélation de leur personnalité, finalement totalement à
l'opposé de Pier Paolo Pasolini qui filmait la dépression et la
mort à l’œuvre, dans Sitcom, ce rat libère les corps et
les pulsions réprimées par cette gentille vie bourgeoise.
Premier
cas, Sophie et son petit-ami David (Stéphane Rideau), bien propre
sur lui, aimé de la maman. Une simple morsure de rat et elle tente
de se donner la mort. Paraplégique, elle traite David comme un chien
dans des jeux BDSM. Froide comme la mort, elle adopte une coiffure
stricte avec deux chignons sur les côtés, entre Princesse Leia ou
une maîtresse d'école d'un porno soft. Le pauvre David, en slip,
dans un harnais de cuir subit ses colères.
Nicolas
a la révélation de son homosexualité, il l'annonce à un repas où
la mère a invité Maria et son époux Abdou (Jule-Emmanuel Eyoum
Deido). Passée la surprise et le mécontentement de la maman,
Nicolas part dans sa chambre vite rejoint par Abdou. La chambre
servira de repère à pas mal de garçons, jeunes hommes et
messieurs, pourquoi faire se demande-t-on, pendant un bon moment où
le secret derrière la porte tient lieu d'un amusant suspense.
François
Ozon s'amuse avec la psychologie, péché mignon du cinéma français
et avec le déterminisme social, autre écueil dans cette période où
les fictions de gauche (arrivée de Lionel Jospin au gouvernement
oblige) refont surface. Le psychiatre est joué par Jean Douchet, ce
qui pour le cinéaste débutant permet de s'autoriser à ce qu'on
attache son cinéma à toute une famille cinématographique qu'il a
décidé de choisir.
Une
touche de Pasolini, un soupçon de Chabrol, un tantinet du plan
fétiche d'Alfred Hitchcock (ces plongées radicales comme mode
d'observation) et une variation autour de Jacques Demy avec un amour
incestueux entre Nicolas et sa maman le tout saupoudré de séquences
oniriques forcément inspirées de Luis Buñuel
et des aphorismes du paternel qui ne s'exprime que par proverbe, là
aussi ça fait beaucoup penser au Charme discret de la
bourgeoisie.
On
voit les références, énormes mais volontaires, plaisantes et en
accord avec l'aspect sitcom, situation de comédie et théâtre, le
film commence par un rideau qui s'ouvre. Ces références sont
totalement intégrées, elles servent à encaisser les profusions des
mouvements du récit, les soubresauts de cette histoire où les
délires et désirs sexuels sont pourtant filmés avec la plus grande
douceur, 20 ans plus tard, Sitcom est encore agréable à
regarder.
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