Pendant
des années, on a cru le film perdu jusqu’à ce que Teinosuke
Kinugasa retrouve une copie chez lui au début des années 1970. Une
page folle est donc
sorti dans de nombreux pays, dont la France le 5 mars 1975,
accompagné d’une musique contemporaine et expérimentale. Une
page folle a été
produit par une compagnie japonaise en 1926 qui s’appelait la
« Fédération du film néo-sensationniste ». Tout un
programme. Le film sort enfin en DVD, édité par Lobster avec en
bonus quatre autres films que je regarderai très vite.
Les
dix premières minutes sont un flot d’images sans sens réel. On y
voit une femme danser sans coordination, comme si elle suivait une
mélopée. Des plans d’eau surgissent de son visage, un bébé
apparaît, puis le visage en gros plan d’un vieil homme en
uniforme. On touche l’abstraction expérimentale. On se demande qui
sont toutes ces femmes. Sommes-nous dans un bordel ? Non, dans
un hôpital psychiatrique. Le vieil homme a un rapport avec la femme.
Des infirmières font leu entrée dans le champ, puis un médecin à
lunettes. Le reste du film sera plus linéaire.
Une
page folle décrit
l’univers de la folie, les barreaux enferment les malades et les
espaces restraints en sont les aspects les plus concrets. Il se place
à l’intérieur d’un asile. Les malades sont enfermés dans des
cellules et la caméra se place toujours devant les barreaux. Les
malades sont donc enfermés tels des prisonniers. Les décors sont
nus, froids, les couloirs sont longs et nous ne sortiront jamais de
cet asile, à l’exception d’une scène de danse fantasmée
lorsque le vieil homme commence lui aussi à sombrer dans la folie.
Il cherche à comprendre la folie de sa femme et pourquoi elle a noyé
leur fils.
Le
film cherche également à entrer dans le cerveau de la femme. Pour
cela, Teinosuge Kinugasa pratique un cinéma expérimental très en
vogue dans ces années 1920. Le film ressemble moins à ce que
faisait Sergei Eisenstein Fritz Lang qu’au cinéma de Germaine
Dulac, sans que je sache dans quelle mesure le cinéaste avait un
accès à ces films. Le film regorge de surimpressions de
superpositions d'images, de mouvements panoramiques très rapides,
d’images anamorphosées, de décadrages obliques, de jeux sur
l’ombre.
Teinosuke
Kinugasa joue surtout sur les visages de ses interprètes, notamment
ceux qui incarnent les aliénés. Ils sont habillés de blanc et
grimacent, font des yeux exorbités qui pourraient sortir des orbites
à tout moment. Une rébellion éclate parmi les malades et c’est
tout un ballet qui s’anime pour finir avec des masques mortuaires
japonais. Mais sans doute tout cela n’était que le rêve du vieil
homme que l’on retrouve en fin de film balayant les couloirs tandis
que ceux qui venaient de l’attaquer le saluent.
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