mardi 13 mars 2018

Une page folle (Teinosuke Kinugasa, 1926)

Pendant des années, on a cru le film perdu jusqu’à ce que Teinosuke Kinugasa retrouve une copie chez lui au début des années 1970. Une page folle est donc sorti dans de nombreux pays, dont la France le 5 mars 1975, accompagné d’une musique contemporaine et expérimentale. Une page folle a été produit par une compagnie japonaise en 1926 qui s’appelait la « Fédération du film néo-sensationniste ». Tout un programme. Le film sort enfin en DVD, édité par Lobster avec en bonus quatre autres films que je regarderai très vite.

Les dix premières minutes sont un flot d’images sans sens réel. On y voit une femme danser sans coordination, comme si elle suivait une mélopée. Des plans d’eau surgissent de son visage, un bébé apparaît, puis le visage en gros plan d’un vieil homme en uniforme. On touche l’abstraction expérimentale. On se demande qui sont toutes ces femmes. Sommes-nous dans un bordel ? Non, dans un hôpital psychiatrique. Le vieil homme a un rapport avec la femme. Des infirmières font leu entrée dans le champ, puis un médecin à lunettes. Le reste du film sera plus linéaire.

Une page folle décrit l’univers de la folie, les barreaux enferment les malades et les espaces restraints en sont les aspects les plus concrets. Il se place à l’intérieur d’un asile. Les malades sont enfermés dans des cellules et la caméra se place toujours devant les barreaux. Les malades sont donc enfermés tels des prisonniers. Les décors sont nus, froids, les couloirs sont longs et nous ne sortiront jamais de cet asile, à l’exception d’une scène de danse fantasmée lorsque le vieil homme commence lui aussi à sombrer dans la folie. Il cherche à comprendre la folie de sa femme et pourquoi elle a noyé leur fils.

Le film cherche également à entrer dans le cerveau de la femme. Pour cela, Teinosuge Kinugasa pratique un cinéma expérimental très en vogue dans ces années 1920. Le film ressemble moins à ce que faisait Sergei Eisenstein Fritz Lang qu’au cinéma de Germaine Dulac, sans que je sache dans quelle mesure le cinéaste avait un accès à ces films. Le film regorge de surimpressions de superpositions d'images, de mouvements panoramiques très rapides, d’images anamorphosées, de décadrages obliques, de jeux sur l’ombre.


Teinosuke Kinugasa joue surtout sur les visages de ses interprètes, notamment ceux qui incarnent les aliénés. Ils sont habillés de blanc et grimacent, font des yeux exorbités qui pourraient sortir des orbites à tout moment. Une rébellion éclate parmi les malades et c’est tout un ballet qui s’anime pour finir avec des masques mortuaires japonais. Mais sans doute tout cela n’était que le rêve du vieil homme que l’on retrouve en fin de film balayant les couloirs tandis que ceux qui venaient de l’attaquer le saluent.




























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