Le
titre du film n'apparaît jamais dans les deux génériques, de début
et de fin, mais on l'entend « I'm totally fucked up » dit
Andy (James Duval, première fois dans le cinéma de Gregg Araki pour
ce qui est a posteriori considéré comme le premier volet de sa
trilogie adolescente). Un de ses amis le filme avec un caméscope
pour un soi-disant travail d'étude, pur prétexte du cinéaste pour
poursuivre son idée godardienne de faire le tableau d'une génération
en 15 tableaux (comme Jean-Luc l'avait fait dans Vivre sa vie).
Cette
génération vit à Los Angeles, six jeunes, plus tout à fait ados
(on en voit presque jamais les parents, ils semblent vivre seuls) pas
encore adultes (pas de boulot, on s'habille en short et débardeur).
Steven (Gilbert Luna) filme ses amis, tous gay ou lesbiennes. Outre
Andy, il place devant sa caméra son petit ami Deric (Lance May),
Tommy (Roko Belic) et le couple de filles Michele (Susan Behshid) et
Patricia (Jenee Hill). Tous se présentent devant l'objectif et Gregg
Araki alterne ces plans brouillons avec une image cinéma.
Ce
sont des archétypes qui s'ébauchent petit à petit. Andy est
ténébreux, clope au bec, s'en fout de tout, les deux filles sont
heureuses, elles vivent ensemble, Tommy, gros balourd, passe son
temps à parler de cul et à coucher à droite à gauche, Deric,
métis, n'a pas encore fait son coming out et Steven s'imagine en
artiste (l'acteur qui joue son rôle deviendra par la suite
réalisateur de documentaires). Les portraits se superposent dans la
première moitié, c'est presque un trop plein de vignettes sur les
personnages.
Il
faut enfin sortir de la manière documentaire, que la fiction prenne
le dessus. Les célibataires sont en quête d'amour. Andy est le plus
solitaire, sans doute celui qui vient du milieu le plus aisé. Il
tombe amoureux d'un mec plus âgé que lui (mais pas tant que ça),
portant un jean déchiré aux genoux (comme quoi la mode n'a pas
évolué en 25 ans). James Duval, dans le cinéma de Gregg Araki est
le mec désabusé par excellence, le romantique contrarié, avec son
visage d'ange déchu.
Le
premier plan de Totally fucked up est la coupure d'un journal
sur le suicide des jeunes homos. Le film se focalise sur Steven qui
trompe son petit ami et Deric qui se fait tabasser dans la rue. Ce
scénario minimum sert à évaluer la violence sociale dont ils sont
victimes. Débarrassé du formalisme des 15 tableaux documentaires un
peu pénible, Gregg Araki touche juste avec ce duo de personnages, il
esquisse ce qui sera le ton dénué de cynisme dans ses films
sensibles à partir de Mysterious skin. Pour l'instant, il
tâtonne.
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