Un
jour sans fin n'a pas été immédiatement considéré comme un
grand film, petit succès critique et public, ce qu'on pourrait
qualifier de relative indifférence, mais depuis 25 ans, le film n'a
pas seulement excellemment vieilli, il est devenu une référence et
mieux que cela, la chanson de Sonny & Cher « I've got You
Babe » est indissociable du film, qu'on l'ait vu ou pas
d'ailleurs. Le refrain du morceau emporte irrémédiablement vers une
faille temporelle.
Cette
faille a lieu un 2 février dans la bourgade de Punxsutawney,
Pennsylvanie. Phil Connors (Bill Murray) doit s'y rendre.
Présentateur météo sur une chaîne du câble de Pittsburgh, il
fait un reportage avec son caméraman Larry (Chris Elliott) et sa
productrice Rita (Andie MacDowell). On le comprend tout de suite,
Phil n'a aucune envie d'aller interroger la marmotte Phil (oui, même
prénom) pour savoir si l'hiver va continuer encore six semaines.
Pendant
10 minutes, la matrice de la journée type est exposée. Le radio
réveil s'allume à 6 heures du matin, la chanson « I've got
you Babe » s'entonne, deux DJ font un peu d'humour. Phil
observe la rue par la fenêtre, des habitants se pressent pour aller
voir la marmotte. Il sort de sa chambre et croise en haut de
l'escalier un gros bonhomme (Ken Hudson Campbell), il l'esquive le
plus rapidement possible pour descendre prendre le petit déjeuner.
Il
est accueilli avec de grands sourires par Madame Lancaster (Angela
Paton). Phil aimerait un expresso plutôt que l'affreux café
américain. Il part rejoindre son équipe. Après avoir refusé de
donner de l'argent à un vieux SDF, il se fait alpaguer par un
fâcheux, Ned Ryerson (Stephen Tobolowsky), soi-disant l'un de ses
anciens camarades de lycée, assureur de son état qui colle Phil. Ce
dernier poursuit sa route en enfonçant son pied droit dans une
flaque d'eau gelée.
L'idée
magistrale d'Un jour sans fin est de plonger Phil Connors dans
la répétition de cette journée du 2 février. Aucune raison n'est
expliquée pour ce sort qui s'acharne sur lui. D'ailleurs, combien de
temps est-il prisonnier de ce 2 février. Longtemps, très longtemps,
des années, des décennies, où il apprend le piano, le français,
la sculpture sur glace et découvre tous les habitants de
Punxsutawney puisqu'il les croise irrémédiablement dans cette
journée précise.
Cette
journée subit des variations dès le deuxième jour où Phil Connors
croit d'abord à un canular, il pense dès qu'il entend à nouveau
« I've got you Babe » que la radio s'est trompé de
bande. Mais il croise à nouveau le gros bonhomme, la logeuse, le
clochard et Ned Ryerson. Les décors et l'environnement est
similaire, mais les cadrages se modifient pour amplifier telle
situation, pour s'approcher de tel personnage.
Il
faut un moment à Phil Connors pour comprendre ce qui lui arrive.
Rita et Larry l'accueillent devant Phil la marmotte chaque fois de la
même manière (« Phil, par ici », l'appelle-t-elle).
C'est à Rita qui décide de se confier, dans la confusion de ce sort
qu'il ne comprend pas. A quoi cela sert-il de lui raconter cela, elle
aura tout oublié le lendemain qui n'arrive pas. Elle ne le croit pas
de toute façon, elle le trouve cynique, ce qu'il est, sans doute son
plus grand tort.
Les
premières variations sont d'un mode hautement comique, avec les
personnages croisés sur le chemin : embrasser sur la bouche la
timide Madame Lancaster, donner un gros coup de poing à Ned ou lui
faire croire qu'il est gay. Puis Phil veut en finir, enlève la
marmotte et tente plusieurs fois de se suicider, dans un accident de
voiture, en plongeant un grille-pain dans son bain. La déprime suit
immédiatement la partie comique, mais c'est également drôle.
Il
s'agit ensuite de découvrir les autres habitants qu'il a pris le
temps d'observer, d'abord pour en profiter lui-même, il utilise la
méthode de Ned pour draguer Nancy (Marita Geraghty) – ça ne
marche guère – puis pour rendre quelques services à ceux qui en
ont besoin. Là, l'observation des caractères provoque comme une
sorte de remake infini où toutes les possibilités sont à épuiser,
avec une inventivité scénaristique sans borne.
Phil
n'a pas réussi à renverser le sort en étant cynique ou méchant,
il va devoir devenir gentil. Enfin, il devient sympathique avec Larry
et Rita. Encore une fois, son observation pour la séduire se solde
régulièrement par une claque, un impair de Phil, un refus de Rita.
Il faut recommencer encore et encore. Il se fabrique une identité
pour arriver à ses fins mais le naturel revient au galop, Bill
Murray est le meilleur pour passer du salaud à l'adorable.
Comme
écrit plus haut, Phil Connors passe du temps à se transformer,
apprendre et s'habituer à la vie du 2 février. Une longue journée
qu'il traverse non plus dans le temps mais dans l'espace, ici au
diner, là dans la salle de concert, plus loin dans le
restaurant pour enfin finir dans sa chambre, épuisé par ces années
de surplace. Le 3 février, la radio se met en marche et Phil entend
pour la dernière fois « I've got you Babe », mais il a
remis le temps en marche.
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