Quand
Scream est sorti au tout début de l'été 1997, personne ne
se doutait de l'onde de choc que le film de Wes Craven provoquerait.
Le cinéaste sortait d'une période molle, sans succès, oublié de
tous malgré deux films plutôt intéressants, Le Sous-sol de la
peur et Freddy sort de la nuit (mieux décrit dans son
titre original Wes Craven's New Nightmare), deux réflexions
sur les racines de l'horreur et leur contagion dans la culture
populaire. C'est cela le sujet profond de Scream. Ce qui ne
devait donc être qu'un quelconque film estival (par ailleurs
interdit aux moins de 16 ans au cinéma) est rapidement devenu le
film qui proposait une réflexion métaphysique sur le cinéma
d'horreur. Les Cahiers du Cinéma avait mis en couverture le film,
déclenchant alors un torrent de lettres d'indignation. La dernière
fois que les lecteurs de la revue avaient protesté aussi fort,
c'était pour Batman en couverture en 1989. Bien entendu, les
Cahiers avaient raison.
La
critique avait bientôt relevé ce qui faisait le moteur du cinéma
de Wes Craven et de Scream en particulier. Il ne fallait plus
se poser la question de savoir qui était le tueur au masque blanc
mais d'où il pouvait surgir. Le cinéaste dans la révélation
finale se moque allégrement d'ailleurs de ces finales où le
criminel confesse la raison de ses crimes. Dans Scream, il n'y
a même plus de raison de tuer. Les différentes suspects qui se sont
présentés au spectateur, les complexes antécédents familiaux du
personnage de Neve Campbell sont autant de manière de donner des
fausses pistes. Pourtant, Wes Craven ne prend pas le spectateur de
haut, au contraire, il l'incite à comprendre que le cinéma
d'horreur n'est pas obligé de rester coincé dans ses carcans. La
fameuse scène de théorisation des films d'horreur en fin de film
est confronté à la pratique du tueur au masque. Les autres
cinéastes vous servent toujours la même soupe, je vais vous étonner
ne cesse de clamer Wes Craven.
Si
le film fonctionne encore aujourd'hui, près de 20 ans plus tard,
c'est précisément parce que le nom du tueur n'a aucune importance.
Scream fait sursauter chaque fois qu'un personnage débarque
par surprise dans le cadre (ici Skeet Ulrich qui rentre par la
fenêtre, là Matthew Lillard qui fait une de ses grimaces), mais ce
qui fait vraiment peur, c'est le personnage de Courteney Cox en
rapace de la télévision. Pedro Almodovar avait déjà abordé le
sujet de la télé poubelle dans Kika, mais Wes Craven montre
les rouages de la chasse continuelle au scoop. Le regard de prédateur
qu'arbore la journaliste est bien plus pervers que n'importe quel
autre. Elle se réjouit de pouvoir montrer ces adolescents, qu'elle
juge avec condescendance, se faire trucider. Et si possible avec
plein de sang et de viscères. Elle aussi ne se demande pas qui est
le tueur au masque mais qui sera la prochaine victime. Et elle fera
tout pour être la première sur les lieux du crime.
On
le sait, Scream a beaucoup donné d'enfants plus ou moins
bâtards. Certains ont même osé reprocher à Wes Craven d'être le
fossoyeur du cinéma d'horreur parce que Souviens-toi l'été
dernier ou Scary Movie et leurs innombrables sequels
existent. Là est la loi du marché à Hollywood. On remarquera que
seul Scream est resté dans les mémoires et cela pour au
moins deux séquences, en dehors du finale sur la théorie du cinéma
« censé faire peur ». L'ouverture du film est un
monument du genre. Drew Barrymore qui fait chauffer du pop-corn, un
téléphone et un couteau. La séquence d'ouverture a souvent été
parodiée. L'autre scène magnifique est celle du reflet dans l’œil
du directeur du lycée (Henry Winkler). L'idée géniale de Wes
Craven est de faire du spectateur l'unique témoin du meurtre qui va
se perpétrer. Le spectateur est ainsi le complice du tueur et, par
allégorie, son commanditaire secret, le seul qui tire de tous ces
meurtres une jouissance coupable.
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