En
1985, Christophe Malavoy était le plus bel homme de France. Michel
Deville en a fait son Terence Stamp dans Péril
en la demeure, l'homme qui
attire tous ceux qui se trouvent autour de lui, tel le personnage de
Théorème.
En 30 ans, le film n'a pas tellement vieilli. Il est pourtant ancré
très fort dans cette année 1985 où le genre policier était si
prisé : Depardieu et Marceau dans Police,
Godard avec Détective,
Rendez-vous de
Téchiné et même le film poids-lourd Trois
hommes et un couffin qui
mâtine avec le polar.
David
(Malavoy) se déplace dans une vieille Peugeot 403, une voiture des
années soixante, dont il ferme la porte d'un léger coup de pied. Il
portera constamment un imperméable, comme l'Inspecteur Columbo,
comme si le film se moquait gentiment des enquêtes policières. Mais
sous l'imperméable, il est parfois à moitié nu, notamment quand il
prend son petit déjeuner ou après avoir couché (ou plutôt s'être
assis) avec Julia (Nicole Garcia), avec qui il entretient une liaison
aussi torride que soudaine. Pourtant, au départ, David ne devait que
donner des cours de guitare à la fille de Julia.
La
musique, tiens parlons-en. On écoute du Brahms, du Schubert, du
Granados. Toujours en mode intradiégétique, joué par David ou son
élève, sur un disque, sur une radio. Tout ça pour mieux laisser
couler la petite musique des dialogues qui passent leur temps à
faire des jolis jeux de mots. Bohringer et son « petite
cuiller, grosse cuiller, louche », pour qualifier sa situation
face à David. Jeux de mots visuels avec ses raccords de main, qui
sort du drap pour arriver sur la boîte à café dans le plan
suivant, tout cela pour nous distraire de l'énigme qui est en train
de se nouer sous nos yeux.
Le
personnage de Christophe Malavoy est-il un ange de l'amour, un ange
de la mort ? Tout le monde est attiré par lui. Julia, bien
entendu avec qui il fait l'amour. Pudique, alors que Malavoy est tout
le temps à poil dans le film, elle tiendra à garder un bout de
vêtement. Graham (Michel Piccoli), le mari de Julia « aime
beaucoup » David, comme le répète l'épouse avec un regard
étrange, comme si elle souhaitait que cet « amour » se
concrétise à trois. Graham, toujours en costume cravate, fixe
longuement David tandis qu'il plie en deux son épouse, comme un
jouet.
La
voisine Edwige Ledieu (Anémone) – quel nom de personnage – n'est
pas en reste. Toujours à observer, à filmer ses voisins, à
commenter ce que les autres n'osent pas se dire en face. Edwige est à
l'inverse des jolis plans du film, elle remet tout le monde dans la
réalité. Les joutes verbales entre David et Edwige sont des moments
savoureux, les dialogues se croisent, l'un finissant la phrase de
l'autre dans une quête de vérité dans un jeu de séduction étrange
et malsain. Anémone n'avait jamais joué comme auparavant.
Le
personnage le plus énigmatique est l'ange noir Daniel (Richard
Bohringer) qui tourne autour de David tel un vautour autour de sa
proie, prêt à le dévorer tout cru. Dans leurs rapports, on se
croirait parfois dans un film de Blier, Buffet
froid par exemple. Daniel
terriblement jaloux de Julia, traîne dans les jambes de David et
court s'installer chez lui. David, avec son petit air de gentil
garçon, sa coiffure d'enfant sage et ses bonnes manières, semblait
bien innocent. Il aurait pu être la proie de Julia, Graham, Edwige
et Daniel. Mais il va se sortir indemne des filets qu'ils leur lance
et quitter ce cloaque avec son élève guitariste.
Le
film n'a donc pas vieilli parce que Deville a eu l'idée de ne pas
dater ses personnages (tenues intemporelles), parce que son scénario
n'a rien à voir avec les années 1980 (les pères célibataires de
Coline Serreau, les jeunes beurs de Pialat) et parce que les tubes de
l'époque sont absents. Seuls les acteurs sont générationnels.
Piccoli a pris sa retraite, Anémone et Bohringer sont devenus
tricards au cinéma à cause de leur sale caractère. Garcia est
devenue une réalisatrice. Malavoy écrit et joue au théâtre. Et
vraiment, s'il était le plus bel homme de France en 1985, son
personnage est encore aujourd'hui magnifique à regarder.
Captures
d'écran établies à partir du DVD édité par Gaumont en 2009.
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