45
ans séparent More, son
premier film, d'Amnesia, son dernier film. Barbet
Schroeder boucle ainsi la boucle de son cinéma et retourne à Ibiza
dans la même maison où il avait tourné les amours de More.
Entre ces deux films situés à Ibiza, le génial cinéaste aura posé
sa caméra en Papouasie (La Vallée), en Ouganda (Général
Idi Amin Dada), longtemps à Hollywood, un peu en France dans des
appartements où on pratiquait le BDSM (Maîtresse), en
Colombie (La Vierge des tueurs)
et dans le cerveau complexe de Jacques Vergès (L'Avocat de
la terreur). Dans Amnesia,
l'action se déroule entre deux maisons aux murs blancs
étincelants. Martha (Marthe Keller) habite là depuis des années,
on ne sait combien, mais 45 ans séparent la fin de la seconde guerre
mondiale de la chute du mur de Berlin. Là aussi, une boucle est
bouclée pour Martha qui fût allemande mais refuse tout ce qui vient
d'Allemagne.
Jo
(Max Riemelt, repéré dans Free fall et dans Sense8 –
celui qui montrait son sexe à la jeune Indienne) vient de
s'installer dans la maison du dessus. C'est l'été juste après la
chute du mur. Il croit qu'une nouvelle époque va commencer. Il a 25
ans et se rêve en DJ. La musique qu'il crée avec son ordinateur est
composé de boucles sonores qu'il superpose. Je me rappelle la
première chanson de l'album More des Pink Floyd où des
chants d'oiseaux ouvraient le morceau. Jo fait la même chose, avec
son micro, il enregistre des chants d'oiseau et les pose sur ses
bandes sonores. Là aussi la boucle est bouclée. Ce jeune homme sans
passé va chercher à faire que Martha se réconcilie avec son passé,
et cela passe par la musique, quelques verres de vin et des
promenades en barque.
Barbet
Schroeder filme avec une infinie tendresse ce drôle de couple qui se
forme sous nos yeux. Martha avec son sourire énigmatique qui refuse
de parler allemand, Jo avec ses t-shirts trop larges et son air de
grand naïf. Même quand Martha s'entête dans sa haine de
l'Allemagne, créant un malaise ineffable lors de cette scène de
repas avec Bruno Ganz ou donnant des moments comiques bienvenus, le
cinéaste ne juge pas son personnage. Parfois, le thème de la
mémoire, ou de l'absence de mémoire donc de l'amnésie, est un peu
appuyé. La tension entre Ganz et Martha est un peu artificielle et,
paradoxalement, ce que je trouve le plus justement rendu est cette
esquisse de romance entre Martha et Jo. 45 ans séparent la vieille
dame et le jeune DJ. Là encore, la boucle est bouclée.
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