Le
titre du film sonne comme un programme, une promesse, une injection,
de la joie, de la vie et Alain Delon, tout jeune, tout beau qui parle
italien du début à la fin dans un rôle que je ne lui connaissais
pas. A part, éventuellement, La Tulipe noire, je ne connais
pas beaucoup de comédies avec l'acteur. Pourtant dans Quelle joie
de vivre, il est très bon, il joue de ses mimiques, des ses
yeux, de son sourire pour ce personnage d'Ulysse – c'est son prénom
– jeune orphelin né en 1901 qui part faire son service militaire
en 1921.
René
Clément ne s'attarde pas sur la vie à la caserne, il appuie plutôt
sur l'arrivée à Rome et sur l'amitié avec un type trapu, Tiriddu
(, lui aussi sorti de l'orphelinat mené par un curé vers l'armée.
Le curé leur demande de se mettre en rang bien serré, mais ils
préfèrent draguer les filles. En quelques plans, sous la pluie
histoire de bien montrer que l'armée ce n'est pas la joie de vivre,
il expédie et on retrouve nos deux garçons sans le sou mais heureux
de sortir de là. Ulysse dit qu'ils vont vite trouver du travail.
En
1922, l'Italie a changé. Les chemises noires de Mussollini sont
partout. On n'entendra pas une seule fois son nom dans Quelle joie de
vivre mais on découvre l'implantation des fascistes. Alors Ulysse et
son ami se disent qu'ils peuvent trouver du travail chez eux. En
effet, ils se voient chargés de la mission de trouve l'imprimeur qui
a fait des tracts anarchistes et anti-fascistes. Ils se partagent la
liste des 44 imprimeurs, Ulysse tombe chez Fossati (Gino Cervi –
avec sa belle moustache). Le R avait un défaut d'impression, c'est
bien Fossati l'auteur des tracts.
Sous
un prétexte fallacieux, Ulysse se fait passer pour un client. Mais
l'imprimante est en panne. Or, Ulysse, toujours aux aguets des jeunes
femmes, remarque au dessus de la grille – l'imprimante est au
sous-sol – une fille qui gare son vélo. Il grimpe sur le moteur
pour mieux la voir. Hop, l'imprimante remarche par miracle et il se
fait remarquer par cette demoiselle qui s'avère être la fille des
Fossati, Franca (Barbara Blass). Il n'en faut pas plus, primo pour
qu'Ulysse se fasse embaucher comme apprenti, deuzio pour qu'il tombe
amoureux de Franca.
Alors
la famille Fossati est le clou de l'humour du film. Le père se
présente comme un anarchiste ce qui n'empêche pas qu'on doit mettre
les patins pour se déplacer dans la maison. Avec sa femme ils ont
trois fils, de solides gaillards à qui il a donné des noms qui ne
sont pas dans le calendrier catholique (Velivelo = Avionneur,
Universo et Sanguesparso = Sans répandu). Et votre fille demande
Ulysse, elle s'appelle Franca-Conté, comme Franche-Comté, le
berceau de la révolution répond le père avec fierté.
Et
au-dessus de la table de la cuisine, il y a le grand-père (Carlo
Pisacane), encore plus anarchiste que les autres. Il vit, entend-on,
depuis 14 ans. Il est sale, il est grande-gueule, il se sert à
manger avec des aimants et des ficelles. Le film ne se gène jamais
pour faire des digressions et du sur-place, à étendre ses gags dans
des infimes variations. Dans cette optique burlesque, l'assaut de la
famille dans ce cagibi pour laver ce souillon de grand-père, c'est
le morceau de bravoure comique dans un pastiche de film de guerre,
c'est très drôle.
Le
rythme du film est très étrange, il prend presque la moitié du
film à montrer cette famille si atypique, jusqu'à l'extrême. René
Clément prend un plaisir fou à caricaturer tout le monde tout en
faisant preuve de grande empathie pour ces anarchistes. Puis, il faut
continuer avec les mensonges d'Ulysse. Car il n'a pas dit qu'il a
débarqué là pour les fascistes. À vrai dire, il s'en fout des
fascistes, seule Franca l'intéresse. Seulement voilà, elle rêve de
révolution, alors avec l'aide du grand-père un peu foldingue il
devient un anarchiste réputé.
Ça
court dans tous les sens – sans oublier les patins dans les rues,
le Colisée, sur les toits, dans les tunnels. Ugo Tognazzi vient
jouer un terroriste bulgare qui pose des bombes sur le parcours des
invités du roi d'Italie. On rentre et on sort de prison par un trou
dans le siège du confessionnal. Parfois ça dérape dans le comique
troupier (à base de coups de pieds), dans quelques facilités, mais
je ne connaissais pas ce film et il met rudement en joie tout en
faisant un peu de tourisme à Rome dans les ruines antiques.
Évidemment, l'amour triomphe et les fascistes et les curés sont
régulièrement ridiculisés parce qu'ils n'ont aucune joie de vivre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire