De
l'espace intersidéral (le surgissement d'une étoile, l'alignement
des planètes) au microscopique tunnel cylindrique d'une fourmilière,
du très grand au minuscule, le trajet est fait par les yeux du
spectateur qui se transforment avec quelques effets spéciaux
lumineux à ceux d'une fourmi qui traverse son espace propre, du
sable, de la terre. On est dans un univers rond, celui du cercle
parfait, c'est la Phase I qui débute, c'est inscrit en haut à
droite de l'écran dans des caractères typiques de la
science-fiction.
Ainsi
pendant une bonne demi-douzaine de minutes, le spectateur de Phase
IV est plongé dans un monde inconnu mais dont il comprend les
tenants. Tout le monde connaît les fourmis, tout le monde en a vu
dans sa vie mais personne – ou presque – n'a jamais visité les
tunnels d'une fourmilière. En plongeant dans cet univers grouillant
merveilleux éclairé. Les regards caméra des fourmis valent bien un
effet Koulechov, ici elles seront menaçantes, là elles seront
tristes, plus tard elles seront emplis de l'envie d'en découdre.
Ce
qui apparaît assez vite est que le point de vue est celui de
fourmis. Or quand les deux scientifiques entrent dans le récit de
Phase IV dans leur camionnette qui n'en finit pas d'arriver du
fond du plan en flou proche du mirage (on est en plein désert)
jusqu'au village jamais fini qui se nomme Paradise, le summum du
sarcasme, il faut déjà comprendre que ce sont les fourmis qui
observent les humains débarquer. Dans Paradise, il ne reste qu'une
famille qui devrait être évacuée mais qui va rester là malgré
leur accord.
Le
cercle est déjà dépassé. Les deux scientifiques le pratiquent
dans leur tente d'observation, blanche, qu'on croirait sortie d'un
paysage martien. Des boules sortent de la tente, cela servira à se
protéger des fourmis en répandant un agent (référence critique à
la guerre du Viet Nam, l'agent destructeur est le Jaune, plus loin ce
sera le bleu). Voilà nos scientifiques qui commencent à grand
renfort d'ordinateurs l'évaluation de l'évolution des insectes.
L'un d'eux comprend le mode de communication entre les insectes.
Les
fourmis ont vite abandonné le cercle pour passer au rectiligne, au
monolithe noir avec une fente en son sommet soit une porte pour
entrer et sortir, au trapèze brillant qui font cuire les appareils
électroniques. Les fourmis comprennent tout, les humains ne
comprennent plus rien. Les fourmis savent comment faire exploser le
moteur de la camionnette, elles savent comment vider la vie des
humains. Représailles des humains avec l'agent Jaune. Résultat, les
habitants de Paradise venus se réfugier meurent, sauf la jeune femme
cachée dans la cave juste à temps.
De
la phase II à la phase IV, c'est le récit d'une guerre sans merci
avec ses morts alignés (les fourmis roses filmées en travelling),
ses attentats (la fourmi au ventre vert qui sabote les ordinateurs),
son évolution darwiniennes accélérée face à la dégénérescence
rapide du plus vieux des scientifiques qui perd la boule et voit sa
main droite gangrenée. Voici l'unique long-métrage de Saul Bass où
le montage compose le suspense avec une musique typique de l'époque
une sorte de rock pro à la Tangerine Dream. Une petite étrangeté
que je voulais voir depuis des années.
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