En
vacances à Hambourg toute la semaine, je suis allé voir 4
aventures de Reinette et Mirabelle dans un cinéma art et essai,
le Metropolis Kino (une salle d'environ 200 places sur deux niveaux,
un orchestre et un balcon). Ce cinéma propose en août et septembre
une rétrospective Eric Rohmer pour le centième anniversaire de sa
naissance. Il est même proposé certains films doublés en allemand
(ainsi L'Ami de mon amie), 4 aventures de Reinette et
Mirabelle était sous-titré en allemand. C'est une expérience
inédite en soi.
Il
faut d'abord se coltiner sur un grand écran un format inhabituel (le
film a été tourné en Super 16), le tout sans aucune restauration
avec les scotchs de changement de bobines, des rayures toutes les 20
minutes mais je crois tout de même que la projection était
numérique. Cela dit, ça faisait une projection à l'ancienne. La
vingtaine d'Allemands présents dans la salle riaient au même moment
que moi car « le sous-titrage épure beaucoup les choses, il
perd en nuances mais il gagne en efficacité » expliquait Eric
Rohmer à la sortie du film.
Car
oui, le film est drôle. Pas tout de suite, il prend son temps. Eric
Rohmer présente d'abord longuement ses deux demoiselles, Reinette
(Joëlle Miquel) et Mirabelle (Jessica Forde), la brune et la blonde,
la campagnarde et la citadine. Avec ces deux prénoms, une pomme
acide et une prune douce, il est possible d'identifier facilement les
deux filles, tout autant qu'avec leur tenue en début de film,
Mirabelle est en patalon noir et Reinette est en robe blanche. La
première aventure peut commencer, « L'Heure bleue ».
Mirabelle
se promène en vélo, l'un des pneus à crevé. Arrive du fond du
cadre, sortie d'on ne sait où, Reinette avec son panier rempli de
victuailles. Avenante, Reinette propose de l'aider à réparer le
pneu avec une bassine d'eau, un peu de colle et une rustine. Il y a
peu de fiction dans cette amorce du film et beaucoup de documentaire,
dont une visite chez des voisins paysans (six ans avant la vie à la
campagne de L'Arbre le maire et la médiathèque), mais ce sont deux
vies qui s'opposent tandis que petit à petit Eric Rohmer pose ses
pions narratifs.
Reinette
est incroyablement bavarde, une vraie pie qui cause de son passé
(elle est autodidacte, elle a fait l'école à la maison), de son
présent (cette grange devenue sa maison faite de bric et de broc) et
son futur (elle peint et rêve d'en vivre). Seulement voilà, elle ne
sait pas comment trouver de l'argent pour s'installer à Paris pour
assister aux cours des beaux-arts où elle est inscrite. Mirabelle
lui donne la solution, elle pourra habiter avec elle, elle aura sa
propre chambre, elles partageront tout « fifty fifty »
clame Mirabelle avec joie.
L'argent
est ainsi le nerf de la fiction du film dans les trois aventures
suivantes. Tout tourne autour dans une galerie de portraits aussi
naïfs et symboliques que les toiles peintes par Reinette. Elle les
montre à Mirabelle, comme dirait le directeur d'une galerie que joue
Fabrice Lucchini avec son bagout habituel « c'est
intéressant », la phrase que tout le monde sort quand ils ne
savent pas quoi vraiment dire. Le ton devient alternativement comique
(Le Garçon de café avec Philippe Laudenbach) et dramatique (Le
Mendiant, la kleptomane et l'arnaqueuse).
Vouloir
boire un café à 4,30 francs quand on a seulement un billet de 200
francs, tel est le dilemme posé. Le garçon de café est persuadé
que sa cliente va filer sans payer et refuse le billet (« je
vous surveille »). il met en doute la moralité de Reinette,
elle qui ne vit que de cela. Elle le montre plus tard à Mirabelle en
donnant à chaque mendiant qu'elle croise dans la rue une petite
pièce. Elle espère améliorer la vie des gens puis fait la morale à
une mendiante (Marie Rivière) en se sentant abusée d'avoir été
gentille avec elle.
Mais
quand Mirabelle débarque à l'appartement avec du saumon fumé, du
canard et du champagne, Reinette s'emporte après avoir appris
comment son amie s'est procuré tout cela. La dispute est forte mais
Reinette na pas encore compris que les rôles s'inversent. Ainsi dans
la dernière aventure, La Vente du tableau, Reinette reste muette
devant le galeriste, seule Mirabelle le convainc d'acheter la toile.
On remarque surtout leur complémentarité, elles sont toutes deux en
rouge comme si leur morale ne faisait désormais plus qu'une pour
s'en sortir dans la vie.
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