« Ga
ga, c'est le langage des enfants » explique le héros
cosmonaute Scope (Daniel Olbrychski) à son avocat ou à celui qui
est censé le défendre dans ce simulacre de Justice dans lequel il
est, bien malgré lui, plongé. C'est un monde apocalyptique, dans un
XXIè siècle où on envoie des prisonniers explorer des planètes
intersidérales. Scope est longuement malmené par les
gardes-chiourmes polonais, on lui demande de se désaper, de revêtir
la combinaison et de sourire pour une photographie polaroid. Puis, il
parade devant les autres prisonniers.
La
navette spatiale est faite de bric et de broc, une habitude de Piotr
Szulkin qui ne s'embarrasse pas des décors pour imaginer son futur,
la Pologne de 1986 était suffisamment déglinguée, au sens propre
comme au sens figuré, pour illustrer ce futur sinistre. Dans la
carlingue, Scope a le choix entre quatre voix, justement ceux qui le
« torturaient » dans la séquence d'ouverture, le chef
des matons, un prêtre, l'inspecteur. Finalement il choisit une femme
au caractère peu commode. Le but ultime, plus qu'explorer la
planète, est de planter le drapeau.
Pas
plus que la navette, le cinéaste ne filme le voyage. Il atterrit sur
Australia 458. il est accueilli, à peine les pieds posés, par un
type qui sort d'une limousine. C'est la nuit (il fera nuit pendant
tout le film), la neige est partout (mais une neige sale, pleine de
gadoue). Ce type Chudy (Jerzy Stuhr), une sorte d'animateur portant
costume cravate est très enjoué par l'arrivée du héros. À
l'arrière de la voiture, il présente la récompense, une toute
jeune femme fort peu vêtue. Elle s'appelle Once (Katarzyna Figura),
elle doit coucher avec le cosmonaute.
Et
l'aventure continue avec des personnages tous plus surréalistes les
uns que les autres. Scope doit résider dans un hôtel qui ne
comporte que trois chambres. Chaque clé est accrochée à une
grenade explosive.La patronne de l'établissement est peu amène,
elle lui cause comme à un demeuré. Il voulait prendre la clé du
milieu, elle refuse tout en espérant qu'un jour quelqu'un prenne
cette clé. Elle vit avec son mari et leur fille atteinte de
cataracte, ils aimeraient qu'elle puisse se faire opérer mais ils
n'ont pas d'argent. La chambre est là aussi chaotique.
Justement
en parlant de grenade, Chudy arrive les bras chargés de cadeaux dans
les bras. Il est ravi d'apporter tout un paquet d'armes à son
invité, une bombe, un revolver, une mitraillette. Puis vient
l'explication de tout cela. Sur cette planète, devenir un héros
passe par un périple : crime, récompense, châtiment. Pour
faire du spectacle, Scope doit commettre un crime épouvantable, il
sera ensuite récompensé en couchant avec des femmes puis sera puni
par le supplice du pal. On lui fait visiter en place publique le
poteau qui doit l'empaler.
Seulement
voilà, Scope est rétif à ce programme. Contrairement au voisin
dans l'hôtel qui porte un costume pailleté, ce voisin a accepté le
programme, Scope tire la tronche, ce qui avec son grand corps, son
allure athlétique (on dirait un mélange entre Schwarzenegger et
Dolph Lundgren), sa mâchoire carrée, ne plaît pas aux habitants
d'Australia 458 qui attendent et espèrent un grand spectacle. Scope
va à l'encontre des demandes, il est en quelque sorte un résistant
dans sa passivité, il fait la grève du spectacle. On va tout faire
pour le faire accepter de se faire ampaler.
Ce
qu'il cherche, c'est sauver Once. La jeune fille est malmenée par
tous, elle est remplacé par une vieille prostituée, elle est brimée
par son patron. Il ne reste qu'une solution, fuir ce pays, cette
planète Australia 458, faire un bras d'honneur à cette civilisation
qui méprise ceux qui sortent du rang. Mon petit voyage en apocalypse
dans le cinéma bizarre, politique et malsain de Piotr Szulkin, pas
très éloigné des films d'Aleksei Guerman se termine avec ce film,
pour l'instant aucun des films du cinéaste n'est sorti en France, ça
arrivera peut-être un jour.
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