dimanche 30 août 2020

Ga, ga gloire aux héros (Piotr Szulkin, 1986)

« Ga ga, c'est le langage des enfants » explique le héros cosmonaute Scope (Daniel Olbrychski) à son avocat ou à celui qui est censé le défendre dans ce simulacre de Justice dans lequel il est, bien malgré lui, plongé. C'est un monde apocalyptique, dans un XXIè siècle où on envoie des prisonniers explorer des planètes intersidérales. Scope est longuement malmené par les gardes-chiourmes polonais, on lui demande de se désaper, de revêtir la combinaison et de sourire pour une photographie polaroid. Puis, il parade devant les autres prisonniers.

La navette spatiale est faite de bric et de broc, une habitude de Piotr Szulkin qui ne s'embarrasse pas des décors pour imaginer son futur, la Pologne de 1986 était suffisamment déglinguée, au sens propre comme au sens figuré, pour illustrer ce futur sinistre. Dans la carlingue, Scope a le choix entre quatre voix, justement ceux qui le « torturaient » dans la séquence d'ouverture, le chef des matons, un prêtre, l'inspecteur. Finalement il choisit une femme au caractère peu commode. Le but ultime, plus qu'explorer la planète, est de planter le drapeau.

Pas plus que la navette, le cinéaste ne filme le voyage. Il atterrit sur Australia 458. il est accueilli, à peine les pieds posés, par un type qui sort d'une limousine. C'est la nuit (il fera nuit pendant tout le film), la neige est partout (mais une neige sale, pleine de gadoue). Ce type Chudy (Jerzy Stuhr), une sorte d'animateur portant costume cravate est très enjoué par l'arrivée du héros. À l'arrière de la voiture, il présente la récompense, une toute jeune femme fort peu vêtue. Elle s'appelle Once (Katarzyna Figura), elle doit coucher avec le cosmonaute.

Et l'aventure continue avec des personnages tous plus surréalistes les uns que les autres. Scope doit résider dans un hôtel qui ne comporte que trois chambres. Chaque clé est accrochée à une grenade explosive.La patronne de l'établissement est peu amène, elle lui cause comme à un demeuré. Il voulait prendre la clé du milieu, elle refuse tout en espérant qu'un jour quelqu'un prenne cette clé. Elle vit avec son mari et leur fille atteinte de cataracte, ils aimeraient qu'elle puisse se faire opérer mais ils n'ont pas d'argent. La chambre est là aussi chaotique.

Justement en parlant de grenade, Chudy arrive les bras chargés de cadeaux dans les bras. Il est ravi d'apporter tout un paquet d'armes à son invité, une bombe, un revolver, une mitraillette. Puis vient l'explication de tout cela. Sur cette planète, devenir un héros passe par un périple : crime, récompense, châtiment. Pour faire du spectacle, Scope doit commettre un crime épouvantable, il sera ensuite récompensé en couchant avec des femmes puis sera puni par le supplice du pal. On lui fait visiter en place publique le poteau qui doit l'empaler.

Seulement voilà, Scope est rétif à ce programme. Contrairement au voisin dans l'hôtel qui porte un costume pailleté, ce voisin a accepté le programme, Scope tire la tronche, ce qui avec son grand corps, son allure athlétique (on dirait un mélange entre Schwarzenegger et Dolph Lundgren), sa mâchoire carrée, ne plaît pas aux habitants d'Australia 458 qui attendent et espèrent un grand spectacle. Scope va à l'encontre des demandes, il est en quelque sorte un résistant dans sa passivité, il fait la grève du spectacle. On va tout faire pour le faire accepter de se faire ampaler.


Ce qu'il cherche, c'est sauver Once. La jeune fille est malmenée par tous, elle est remplacé par une vieille prostituée, elle est brimée par son patron. Il ne reste qu'une solution, fuir ce pays, cette planète Australia 458, faire un bras d'honneur à cette civilisation qui méprise ceux qui sortent du rang. Mon petit voyage en apocalypse dans le cinéma bizarre, politique et malsain de Piotr Szulkin, pas très éloigné des films d'Aleksei Guerman se termine avec ce film, pour l'instant aucun des films du cinéaste n'est sorti en France, ça arrivera peut-être un jour.
































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