mercredi 12 août 2020

Le Golem (Piotr Szulkin, 1979)

Masque chirurgical sur le visage, une poignée de médecins observent leur œuvre dans un plan en contre-plongée presque inquiétant. Pour maintenir la bouche ouverte de leur créature, il suffit de placer dans le bâillement des journaux pliés. La discussion, avec une volonté claire de dialogues humoristiques tendance caustique, se poursuit sur les capacités mentales de cet homme dont on voit le visage de ravi de la crèche. Puis l'un des chirurgiens se plaint de n'voir pas encore lu le journal qui a servi pour élargir l'orifice.

Voilà le Golem créé dans ce monde post-apocalyptique. Une voix off, non sans ironie, explique que l'on est 41 ans après un désastre atomique et qu'une rumeur prétend que l'on crée des hommes artificiels. Le cinéma de science-fiction et fantastique polonais m'est toujours apparu une choses bien à part. Certes, je ne connais pas tout mais j'ai vu, avant d'entamer cette tétralogie de Piotr Szulkin, quelques films pas piqués des hannetons d'Andrzej Zulawski qui m'ont laissé des impressions mitigées.

Dans la légende du Golem, la créature est faite à partir d'argile. Dans ce Golem de Piotr Szulkin, la teinte générale du film est celle de la couleur de la glaise, un ocre qui envahit tout l'espace et qui devient le quotidien de cet homme apparu dans le prologue, un certain Pernat (Marek Walczewski), un anonyme, un quidam qui n'a aucun souvenir de sa vie. Il erre dans les rues, devant les immeubles qui semblent vivre seuls avec ces fenêtres qui s'ouvrent et se ferment en rythme dans un panoramique de la caméra de bas en haut.

La population étant largement décimée, il croise quelques personnages égarés dans ce monde, tout comme Pernat. Une jeune femme Rozyna (Krystyna Janda) que son père, propriétaire des lieux, vend aux hommes de passage, une vieille dame effrayée de tout (Anna Jaraczowna), une jeune femme (Joanna Zolkowska) qui passe son temps avec ses poupées dans la boutique de son père. Et le monde se répète sans cesse dans une boucle dont Pernat ne peut pas sortir, avec des variations de réaction des personnes qui se mettent sur son chemin.

Les hommes qu'il croise ne sont pas toujours très simple. Le plus entreprenant est le frère de Rozyna (Krzysztof Majchrzak) surgi de nulle part, presque agressif, qui parle sans arrête sur un mode paranoïaque. Pernat ne sait jamais quoi faire, il est dans l'inquiétude mais il apprend vite à répondre à ses interlocuteurs. Le cinéaste double les scènes, comme quand l'Histoire se répète, sur un mode comique, sur un mode tragique (la récupération de ses affaires personnelles lors de ses détentions pour des interrogatoires), il cloue le bec du gardien.

Au cours du film, des interrogatoires posent de nombreuses questions. Pernat est interrogé par un policier en civil, plus ça avance, moins il sait qui il est, il croise même dans le couloir son ancien lui-même. Les chirurgiens sont interviewés à la télé pour parler de ce projet secret. Tout un monde absurde se met en place, il faut y apercevoir un reliquat du monde dictatorial, une métaphore souvent obscure de la condition dans le bloc soviétique. Il n'empêche, ce pauvre Pernat continue de ne pas répondre à des questions incompréhensibles.


Dans une courte séquence, Pernat se rend dans des toilettes publiques, il doit soudainement muer, se transformer en lui-même qui sera un autre plus conscient de son passé. Il passe devant une galerie de monstres de cinéma, on reconnaît entre autres la créature de Frankenstein. Sans doute là, Piotr Szulkin cherche à mettre le Golem dans la tradition de ces monstres du cinéma fantastique qu'il veut égaler. Mais le film pas toujours tout compréhensible, ça ne m'empêche pas de poursuivre dans la découverte du cinéma de Piotr Szulkin.

























Aucun commentaire: