Masque
chirurgical sur le visage, une poignée de médecins observent leur
œuvre dans un plan en contre-plongée presque inquiétant. Pour
maintenir la bouche ouverte de leur créature, il suffit de placer
dans le bâillement des journaux pliés. La discussion, avec une
volonté claire de dialogues humoristiques tendance caustique, se
poursuit sur les capacités mentales de cet homme dont on voit le
visage de ravi de la crèche. Puis l'un des chirurgiens se plaint de
n'voir pas encore lu le journal qui a servi pour élargir l'orifice.
Voilà
le Golem créé dans ce monde post-apocalyptique. Une voix off, non
sans ironie, explique que l'on est 41 ans après un désastre
atomique et qu'une rumeur prétend que l'on crée des hommes
artificiels. Le cinéma de science-fiction et fantastique polonais
m'est toujours apparu une choses bien à part. Certes, je ne connais
pas tout mais j'ai vu, avant d'entamer cette tétralogie de Piotr
Szulkin, quelques films pas piqués des hannetons d'Andrzej Zulawski
qui m'ont laissé des impressions mitigées.
Dans
la légende du Golem, la créature est faite à partir d'argile. Dans
ce Golem de Piotr Szulkin, la teinte générale du film est
celle de la couleur de la glaise, un ocre qui envahit tout l'espace
et qui devient le quotidien de cet homme apparu dans le prologue, un
certain Pernat (Marek Walczewski), un anonyme, un quidam qui n'a
aucun souvenir de sa vie. Il erre dans les rues, devant les immeubles
qui semblent vivre seuls avec ces fenêtres qui s'ouvrent et se
ferment en rythme dans un panoramique de la caméra de bas en haut.
La
population étant largement décimée, il croise quelques personnages
égarés dans ce monde, tout comme Pernat. Une jeune femme Rozyna
(Krystyna Janda) que son père, propriétaire des lieux, vend aux
hommes de passage, une vieille dame effrayée de tout (Anna
Jaraczowna), une jeune femme (Joanna Zolkowska) qui passe son temps
avec ses poupées dans la boutique de son père. Et le monde se
répète sans cesse dans une boucle dont Pernat ne peut pas sortir,
avec des variations de réaction des personnes qui se mettent sur son
chemin.
Les
hommes qu'il croise ne sont pas toujours très simple. Le plus
entreprenant est le frère de Rozyna (Krzysztof Majchrzak) surgi de
nulle part, presque agressif, qui parle sans arrête sur un mode
paranoïaque. Pernat ne sait jamais quoi faire, il est dans
l'inquiétude mais il apprend vite à répondre à ses
interlocuteurs. Le cinéaste double les scènes, comme quand
l'Histoire se répète, sur un mode comique, sur un mode tragique (la
récupération de ses affaires personnelles lors de ses détentions
pour des interrogatoires), il cloue le bec du gardien.
Au
cours du film, des interrogatoires posent de nombreuses questions.
Pernat est interrogé par un policier en civil, plus ça avance,
moins il sait qui il est, il croise même dans le couloir son ancien
lui-même. Les chirurgiens sont interviewés à la télé pour parler
de ce projet secret. Tout un monde absurde se met en place, il faut y
apercevoir un reliquat du monde dictatorial, une métaphore souvent
obscure de la condition dans le bloc soviétique. Il n'empêche, ce
pauvre Pernat continue de ne pas répondre à des questions
incompréhensibles.
Dans
une courte séquence, Pernat se rend dans des toilettes publiques, il
doit soudainement muer, se transformer en lui-même qui sera un autre
plus conscient de son passé. Il passe devant une galerie de monstres
de cinéma, on reconnaît entre autres la créature de Frankenstein.
Sans doute là, Piotr Szulkin cherche à mettre le Golem dans la
tradition de ces monstres du cinéma fantastique qu'il veut égaler.
Mais le film pas toujours tout compréhensible, ça ne m'empêche pas
de poursuivre dans la découverte du cinéma de Piotr Szulkin.
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