Un
pull blanc, une large cape dessus, une écharpe en laine et des
bottes de cuir rouge, voici Françoise Leroy (Catherine Deneuve,
c'était la première que l'actrice acceptait de prendre le prénom
de sa sœur pour son personnage). Elle est écrivaines. Le titre de
son livre « Secrets ». chez un bouquiniste, elle surprend
une conversation où un lecteur parle de son livre. Elle ne se
présente pas à cet homme mais elle va le suivre.
Il
s'appelle Marc (Adalberto Maria Merli), bien propre sur lui, marié
avec une certaine Sophie qui va vite mourir. Françoise prend un
certain plaisir à suivre cet homme, à voir où il se rend, où il
habite et elle commence à lui écrire des lettres. Elle est d'autant
plus satisfaite que l'homme inconnu lui répond par lettre
également. Enfin, c'est ce qu'elle croit. Françoise est également
suivie de près par un autre homme bon bourgeois.
Il
ne se déplace qu'en limousine cet homme. Il doit probablement être
fortuné. Perrot (Fernando Rey) lance le film avec une étrange
scène, il visite une galerie d'art moderne, il est soudain pris de
malaise, son chauffeur Kleber (José Sacristan) qui lui sert d'homme
à tout faire – et quand je dis tout, je dis tout – vient vite
lui bander les yeux, l'exfiltre et annonce tout de go au galeriste
qu'il achète toutes les toiles.
Ne
serait-ce que la présentation des ces quelques personnages, le film
serait déjà intrigant, même si il se sent ici et là que ça
coince un peu pour lier tout ça, que ça cherche à tout prix à
ressembler aux films de Luis Buñuel de la même époque. Après tout
c'est bien normal, Juan Buñuel s'est entouré de Jean-Claude
Carrière pour ce scénario qui quitte Madrid, où peu de gens
semblent habiter tant les rues sont vide, pour une château à la
campagne.
Soit
Françoise venue sur invitation de Perrot pour écrire son
autobiographie. « Déjà, mais je n'ai que 29 ans »
dit-elle. Il veut financer son nouveau livre. Elle n'a aucune idée
par quelle phrase commencer. Soit Marc, désormais veuf, étonné de
voir Françoise. Soit Kleber, toujours aux ordres de son patron, les
devançant même parfois. C'est presque à se demander si le patron
réel n'est pas Kleber, à moins que d'autres liens, non exploités
par le récit, les unissent.
Rien
n'est dû au hasard affirme haut et fort, non sans fierté Perrot à
Françoise « Je n'aime pas beaucoup le hasard, j'aime les jeux
de logique ». C'est vrai qu'on a souvent qualifié,
superficiellement, le cinéma « surréaliste » d’œuvre
du hasard. Juan Buñuel nie cela avec ironie. Perrot joue d'ailleurs
aux échecs avec Françoise, mais un jeu spécial avec trois
plateaux, métaphore de la complexité mise en scène dans le film.
Deux
personnages viennent compléter la vie de château. Richard (Jacques
Weber) est peintre, éventuellement l'amant de Françoise mais dans
une idée d'amour libre. Si libre que Françoise découvre le matin
une jeune femme nue dans le lit de leur appartement. Richard vient
ici finir une de ses toiles, un couloir en trompe-l’œil, une
peinture qui va prendre corps pendant le film, jusqu'à sembler
totalement réaliste et devenir un vrai couloir du château.
L'autre
personnage, le plus fantasque et le plus ingrat est Eléonore (Laure
Betti), la bonne tout en noir au visage fermé. Ingrat parce qu'elle
est longtemps cantonné au rôle de bonne serviable et muette,
fantasque parce que certains de ses actes portent le film vers un
délire visuel de plus en plus perturbant pour la vie de la petite
bande. Elle se met soudain à casser les assiettes au lieu de les
laver ou à danser sur de la musique tzigane avec Perrot.
Le
film est scandé de scènes étranges qui reviennent régulièrement.
Ce sont des visions de Françoise, des fantasmes qui se réalisent
sous ses yeux : le lit se transforme en baldaquin, une page que
Françoise juge nulle s'enflamme, la bouteille d'Armagnac devient une
tête de veau. En revanche, ce qui revient plusieurs fois ce sont les
cadres des tableaux sans toiles, cela est encore plus étrange que
ces visions somme toute bien classiques.
Les
cadres sont vides et les caves sont pleines d’œuvres mutilées,
toiles déchirées, manuscrits brûlés ou déchirés par des balles,
sculptures démontées. La réalité de Perrot est celle-là, il
souhaite « la mort de l'art » (le film aurait pu
s'appeler comme ça). Il y a là-dedans une certaine inquiétude de
l'étrangeté mais, je le redis, c'est un peu moins percutant que les
films de son père, tout en restant parfois jouissif dans cette
cocasserie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire