Monique
(Miou Miou) déverse un tombereau d'insultes sur son mari Antoine
(Michel Blanc). Ils sont tous les deux attablés dans une boîte de
nuit où un orchestre vient de lancer la soirée (la musique a été
composée par Serge Gainsbourg, des mélodies assez proches de celles
de l'album Love on the beat). Le couple se dispute, plutôt Monique
exprime sans douceur sa lassitude, la mesquinerie de son couple, la
vie misérable qu'elle mène.
Dans
le flou du cadre, une silhouette commence à se distinguer, un corps
massif s'approche, celui de Bob (Gérard Depardieu). Pendant toute la
durée de Tenue de soirée, il ne quittera pas son pantalon de
cuir et sa large chemise blanche, une manière de garder une
intemporalité quand le récit se déroule sur plusieurs semaines.
Bob arrive à leur table et fiche une grosse baffe à Monique qui va
valdinguer sur le parquet.
Les
rencontres dans les films de Bertrand Blier sont toujours épatantes
et percutantes, celle de Tenue de soirée est la plus rapide,
le cinéaste ne prenait même plus le temps de présenter les
personnages, « ça fait chier la psychologie » déclare
Bob à son nouvel meilleur ami. Il leur donne une liasse de billets
de 500 francs, d'abord à Monique pour compenser la baffe puis à
Antoine, parce que Bob le trouve à son goût.
Le
pari du film est de faire de cette grosse masse qu'est Depardieu un
être de tendresse qui fond devant le corps fragile de Michel Blanc.
Il le trouve magnifique, les dialogues et répliques que lui a
concoctés Bertrand Blier sont parmi les plus belles de son œuvre,
un mélange de délicatesse et de vulgarité, Depardieu paraît un
adolescent amoureux pour la première fois quand il fait sa
déclaration d'amour à Michel Blanc, c'est très émouvant.
Mais
Antoine aime Monique, au grand dam de Bob qui avait tôt fait de
devenir son prénom (« comment tu t'appelles, Monique ? »).
C'est qu'Antoine n'a pas envie de se faire enculer, il veut sentir
l'odeur de sa femme. Le couple abandonne leur nouvel ami pour revenir
dans leur camionnette aménagée en roulotte, ils vivent là, la
première cause de la lassitude de Monique. Bob décide de les
inviter, bien malgré eux en brûlant le véhicule, dans sa vie.
La
vie qu'il leur promet les emmène dans les beaux quartiers. Si Bob a
tant d'argent, c'est qu'il est cambrioleur. Dans la première moitié
du film, ils se rendent dans plusieurs luxueuses demeures. Après une
maison vide, première visite, chez Jean-François Stévenin et
Mylène Demongeot, deuxième chez Jean-Pierre Marielle et Caroline
Silhol, troisième chez Bruno Crémer. Trois saynètes au-delà du
réalisme où sexe et revolver se croisent.
En
trio pour l'instant, le film va se débarrasser de Monique avec
l'aide de Pedro (Michel Creton). Le personnage de Miou Miou est
difficile à tenir, certains diraient qu'il est ingrat, d'une
misogynie d'un autre âge (celui où Bertrand Blier était le
souverain du cinéma français), il faut d'abord le voir comme l'un
des plus importants rôles de l'actrice, une mise en abyme de son
pouvoir émotionnelle (« j'ouvre les vannes à la demande »
dit-elle avant de pleurer).
Cette
histoire d'amour en duo, entre Bob et Antoine passe par une petite
maison en haut d'une colline. Bob est parvenu à ses fins, il a fichu
à la porte Monique (elle rêve de Costa del sol, elle va se
retrouver à tapiner). Evidemment, un jour, cette grosse brute de Bob
ne s'intéresse plus à Antoine « tu ne me regardes plus depuis
des semaines » lui reproche-t-il avec des yeux à la fois plein
de passion et de désespoir (prix d'interprétation à Cannes
mérité).
Sur
l'affiche trônait le slogan « Putain de film ! »,
il aurait pu être lu « Michel Blanc se rase la moustache »
(un an avant Gérad Jugnot dans Tandem). Antoine poursuit le
film dans sa dernière partie avec un air de Françoise Sagan, petite
robe, talons hautes, perruque blonde, tout heureux d'aller au bal
avec son Bob, un finale d'une histoire d'amour tellement
invraisemblable qu'elle en devient totalement réaliste.
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