Il
existe deux sortes de Légion étrangère. Ce grand gaillard qu'est
Tom Brown (Gary Cooper) appartient la première. Il est légionnaire
au Maroc, à Mogador. Quand sa troupe revient en ville après avoir
erré des semaines dans le désert, toutes les femmes l'attendent
avec impatience. Tom est le plus grand de tous, on le remarque
immédiatement au milieu de la légion. Il est si grand qu'il doit se
baisser chaque fois qu'il passe une porte.
Arrivée
sur le port, Amy Jolly (Marlene Dietrich) appartient à la légion
étrangère des femmes qui fuient leur destin et vont se perdre dans
les cabarets. Elle est française (elle dit quelques répliques et
entonne une chanson en français). Sur le quai, elle se fait aborder
par un personnage mondain, Le Bessiere (Adolphe Menjou), plus âgé
qu'elle, et lui donne sa carte au cas où elle est besoin de se
sortir du moindre problème.
Elle
a été engagée dans un cabaret dirigé par le jovial Tinto (Paul
Porcasi). Il entre sur scène portant une énorme boucle d'oreille et
annonce sa prochaine vedette, Amy qui devra chanter sous les huées
du public, ce qu'il ne manque pas de faire. Elle débarque en costume
d'homme, chapeau claque et attise le désir des hommes (des
légionnaires, des hommes riches) et la jalousie des femmes (elle
embrasse sur la bouche l'une d'elles).
Tom
Brown est assis au premier rang, non point pour Amy mais il a deux
rendez-vous amoureux, une gitane et Madame Caesar, l'épouse de son
lieutenant, avec laquelle il a une liaison. Ces scènes dans le
cabaret permettent à Josef von Sternberg de passer d'un gros plan
d'un visage à un autre dans un jeu de lumières pour finir avec ceux
de Tom et Amy qui finiront enfin dans un même plan comme pour
sceller leur lien.
Dès
leurs premières scènes, Tom puis Amy sont montrés comme des
personnages indépendants. Tom se fait gronder par son chef quand il
regarde des femmes. Dans le cabaret, il est le seul à applaudir à
tout rompre la chanteuse quand tout le monde continue à la huer. Il
a constamment un petit geste narquois quand il salue quelqu'un, il
passe sa main devant son visage puis s'en va sans oublier de se
courber.
L'arrivée
de Amy est magnifique, elle déchire la carte du mondain Le Bessiere
en huit petits morceaux qu'elle met dans sa main gauche et de son
index les jette par dessus bord, non sans avoir bien attendu que
l'homme l'observe. Sa grandeur quand elle entre en scène est du même
acabit, elle arbore une fierté incroyable qui masque la faiblesse
que l'on va découvrir. Ce regard hagard en fin de film, cette
manière de tourner sa tête exprime le désespoir.
Ce
désespoir est celui de perdre Tom Brown. Il est puni par Caesar et
doit retourner en garnison dans le désert pour chasser quelques
rebelles. Une période où Amy accepte, par pur confort, la compagnie
de La Bessiere, ils organisent leurs fiançailles. Mais dès que le
son du tambour de la légion retentit dans la rue, elle quitte le
dîner et se précipite dans un excès de passion pour retrouver son
soldat.
Cette
scène est l'une des plus belle et des plus troublante du film, d'un
romantisme échevelé. Le cinéaste utilise les décors pour appuyer
la passion. La maison de Le Bessiere est gigantesque, démesurée,
des grandes portes (où Tom Brown n'aurait pas eu besoin de se
courber), des meubles chics, mais Amy choisit le désert, son
aridité, le dénuement total, le sable chaud, pour poursuivre sa
vraie histoire d'amour avec son beau légionnaire.
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