mardi 27 février 2018

Les Garçons sauvages (Bertrand Mandico, 2017)


L'idéal serait d'aller voir Les Garçons sauvages sans avoir vu la moindre image, sans regarder la bande annonce, sans lire de critiques et encore moins d'entretiens avec Bertrand Mandico, comme je l'ai fait juste avant Noël, une découverte du film dans un état de candeur virginale. Le titre apparaît, des lettres déchirées, dans ce cadre aux coins arrondis, et la nuit, le noir et blanc, enveloppe le corps d'un adolescent au bord d'une plage remplie de branches, d'arbres morts, s'approchant de lui quelques marins qui commencent à lui enlever ses vêtements.

Une grande partie du film se déroule avant cette scène mystérieuse, il faut rembobiner le récit et arriver aux cinq jeunes hommes en costume cravate. Si comme moi, on débarque sans rien savoir, on ignore que les cinq adolescents bien propres sur eux, de bonne famille comme on dit dans les articles sur les faits divers, sont joués par des actrices. La surprise était pour moi de taille, je ne suis pas parvenu à reconnaître Vimala Pons en garçon avec ce regard narquois et insolent d'un jeune mec qui dirige sa petite troupe de sauvageons. Mais maintenant tout le monde sait que ce sont des actrices.

Bertrand Mandico balance du noir et blanc à la couleur dans quelques séquences à la sexualité sauvage. La première est en début de film autour d'une femme (Nathalie Richard) qui va se faire violer par les garçons, elle finit sur le dos d'un cheval. La deuxième est une orgie nocturne en bord de plage. On entend la chanson de Nina Hagen « Naturträne ». L'image est bleue, des milliers de plumes blanches volent autour d'eux. Ils se déshabillent, s'embrassent férocement, se molestent, s'aiment violemment. C'est pour moi le plus beau moment du film.

Entre ces deux magnifiques séquences, les garçons sauvages sont bannis, une punition qui fait suite au viol. Ils se croyaient à l'abri de par leur condition sociale mais les parents choisissent de les confier à un marin rugueux et barbu à l'accent étranger (Sam Louwyck). Le capitaine de ce rafiot les traite comme des chiens, collier au cou et corde attachée à un système de poulie. Chaque fois que l'un d'eux n'agit pas selon ses règles, il tire la corde qui les étrangle et les ramène brutalement juste devant la cabine du capitaine. Et ils commencent à aimer ça.

L'artisanat avec lequel le cinéaste figure son bateau, une barque au milieu de l'océan, ne dissimule pas l'aspect carton-pâte des décors, il en joue au contraire, comme des enfants jouent aux pirates. La bicoque tangue, de l'eau asperge les adolescents, des effets naturels (pour les opposer à spéciaux) qui embarquent Les Garçons sauvages vers toute une flopée de références cinéphiles et cinématographiques que Bertrand Mandico se fait un plaisir de nommer dans ses différents entretiens. Pourtant, le film n'appartient qu'à lui-même avec un univers propre.

La destination de la traversée est une île (qui n'est pas sans évoquer celle de Fièvre sur Anatahan entre autres) pourvue de plantes particulières. Le grand mouvement du film s'amorce pour traiter le genre sexuel, la transformation de ces adolescents en jeunes femmes. La sensualité avec laquelle ils dévorent des fruits poilus, ils boivent un liquide blanc sorti d'un orifice phallique, est exhaussée par l'arrivée du docteur Séverine (Elina Löwensohn), parangon de l’ambiguïté sexuelle, mi-homme mi-femme dans une posture à la Marlene Dietrich.

Difficile de ne pas sortir rassasié de ce film et, il faut bien le dire assez fourbu. Les Garçons sauvages n'est pas sans quelques longueurs et répétitions, notamment au milieu de son récit sur l'île qui révèle les jeunes garçons à eux-mêmes. Il n'en demeure pas moins que le geste cinématographique est sans aucune mesure dans le cinéma d'aujourd'hui (presque) entièrement concentré sur des tentatives de représenter la réalité telle qu'on l'imagine alors que pour la faire exister, il suffit parfois de masturber la machine à fantasmes de sa cinéphilie et d'en jouir.

Aucun commentaire: