Comment
figurer le moyen-âge au cinéma ? Pour l'équipe des Monty
Python à l’œuvre dans Sacré Graal, c'est collecter les
morts sur une charrette comme si c'était des ordures ménagères
(l'appel dans la rue est fait par Eric Idle). C'est la chasse à la
sorcière par les hommes du village qui veulent la brûler en place
publique. C'est la rencontre entre une famille de paysans
anarcho-marxistes et le roi Arthur incarné par Graham Chapman, roi
des Anglais, comme les disent les sous-titres français, King of the
Britons en anglais.
Les
scènes du quotidien du moyen-âge sont donc pourvues du plus grand
réalisme possible, ce qui en 1974 était très rare, si ce n'est
dans les films de Pier Paolo Pasolini, en tout cas dans le cinéma
britannique et hollywoodien, le sale, la boue, les pustules, tout ce
que l'on voit dans Sacré Graal, est présent à l'écran,
dans une volonté d'en montrer tout ce qui n(est jamais vu, plutôt
que les nobles et souverains, Terry Gilliam et Terry Jones appuient
leur univers sur l'envers du décor, une manière totalement opposée
au Camelot, atroce comédie musicale de 1967.
Cet
envers du décor consiste par exemple à ce que les chevaux soient
remplacés par des noix de coco que Patsy (Terry Gilliam) le rustaud
écuyer du roi frappe l'un sur l'autre pour simuler les pas de leurs
montures. Les observations des paysans (Michael Palin et Terry Jones)
sont anachroniques quand Arthur leur parle dans un langage conforme à
l'idée qu'un spectateur peut se faire du moyen-âge. Ils poussent
l'idée avec l'intervention d'un historien tout à fait contemporain,
pauvre vieux qui se fait trucider par un chevalier.
Quant
à l'histoire proprement dite de la quête du Graal, les Monty Python
la déploient dans le deuxième segment du film avec les gestes des
chevaliers de la Table Ronde. Comme à leur habitude, les membres de
l'équipe se partagent les rôles, jouent plusieurs personnages,
plusieurs figures parfois fugaces. Terry Gilliam s'occupe des
enluminures dans les sections animées qui introduisent chaque geste.
Le récit est en général extrêmement décousu, une suite de
sketches de valeur inégale (mais souvent les sketches sont bons).
Les
chevaliers ont ainsi quelques aventures en solo. Sire Robin (Eric
Idle), suivi d'un troubadour qui narre ses exploits se retrouve face
au chevalier à trois têtes et esquive la bataille. Sire Galahad
(Michael Palin) se retrouve au château d'Anthrawface à 150
jouvencelles, dans sa chasteté il est effrayé par ces demoiselles.
Sire Lancelot (John Cleese) massacre de nombreux invités à un
mariage après avoir reçu l'appel au secours du fils d'un seigneur
local, croyant qu'il allait sauver une jeune femme.
Parmi
les meilleurs moments du film, mes préférés vont à l’absurde
absolu. Ce chevalier noir qui se voit sectionné par le roi Arthur
successivement des bras et jambes tout en continuant de narguer son
adversaire qu'il traite de lâche. Et la rencontre avec les
chevaliers du « Ni » (Michael Palin décidément celui
qui a les meilleurs moments) qui ont une exigence saugrenue, demander
un jardinet. Le léger zozotement de Michael Palin quand il prononce
« shruberry » me remplit de joie à chaque nouvelle
vision du film.
Les
animaux sont présents diversement dans le film, les chevaux sont
certes absents, mais une mégère frappe un chat contre son mur, on
cause d'hirondelle qui porte une noix de coco, des Français (menés
par John Cleese avec dédain face aux chevaliers) envoient tous les
animaux de la ferme sur les tronches des chevaliers après l'attaque
au lapin de Troie, enfin dans la scène finale, c'est un lapin blanc
féroce qui décime une partie des chevaliers. Il ne faut pas oublier
l'élan qui intervient dans le générique d'ouverture traduit en
faux suédois.
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