lundi 12 février 2018

Buffet froid (Bertrand Blier, 1979)

Buffet froid est le meilleur film de Bertrand Blier, l'histoire de trois hommes dans une tour d'habitation, pour l'instant vide de ses locataires. Enfin, histoire, il faut le dire, le film est une suite de saynètes, presque un film à sketches, mais où tout coule parfaitement dans un flux narratif qu'épouse une mise en scène douce, des dialogues très écrits fleurant souvent le mot d'auteur sans qu'il ne tombe dans le Michel Audiard dernière période.

Bertrand Blier parle de personnages déraisonnables, pour ne pas évoquer le surréalisme inspiré par Le Charme discret de la bourgeoisie et Le Fantôme de la liberté de Luis Buñuel. Trois oiseaux de nuit qui ne se connaissent pas en début de film, un tueur au couteau Alphonse Tram (Gérard Depardieu), l'inspecteur Morvandiau (Bernard Blier) et un assassin de femmes (Jean Carmet, aucun nom pour son personnage).

La nuit, un métro, station La Défense, personne à part Alphonse Tram et un quidam, un anonyme (Michel Serrault) et un couteau qui sort de la poche du manteau d'Alphonse, pour se planter quelques minutes plus tard dans le ventre de cet anonyme. Il a une oreille d'expert comptable, seul apparat de psychologie en ce début de film. Le tué dit au tueur de vite quitter le métro et de rentrer chez lui sans oublier de récupérer ce couteau.

Alphonse ne quitte jamais son manteau, quand sa femme lui prépare à dîner, il dîne avec son manteau. Il a peur d'avoir commis ce crime, elle se contente de prendre le couteau et de le mettre dans le lave-vaisselle. C'est de cet aspect déraisonnable dont parle Bertrand Blier, elle ne prend pas peur, elle fait comme si tout cela était normal, sans gravité. Le crime a été fait, il faut passer à autre chose.

Cette autre chose est une nouvelle qu'elle annonce à Alphonse : ils ont un nouveau voisin qu'Alphonse s'empresse d'aller accueillir. Morvandiau ne dit pas un mot, offre un verre de vin rouge (la seule boisson que tous les personnages boiront pendant tout le film), il vient d'emménager, pas encore eu le temps de défaire les cartons. Blier fils s'amuse ainsi avec Bier père, lui qui sort d'habitude de délicieuses répliques à le rendre muet.

Cela ne dure qu'un temps, le trio n'est complet qu'avec l'arrivée de Jean Carmet. Il vient s'excuser d'avoir tué la femme d'Alphone et quand Morvadiau arrive avec sa bouteille de vin rouge, Alphonse déclare « je vous présente l'assassin de ma femme ». Enchanté, répond l'inspecteur. C'est ce naturel qui fait le génie de Buffet froid, l'invention d'une alternative réaliste aux habituels poncifs psychologique du film noir français.

Le trio devient inséparable, un pastiche de pieds nickelés inconscients de vivre dans un cauchemar, c'est sans doute pour cela que le film se déroule de nuit (à l’exception de la dernière partie), dans cette cité vide de ses habitants, dans cette tour d'immeuble, dans la banlieue pavillonnaire ou dans un terrain vague. Le cauchemar continue quand ils partent à la montagne, dans un chalet humide où ils se réfugient pour se mettre au vert.

Dans l'appartement d'Alphonse les visites se suivent et les morts se succèdent. Léonard (Jean Rougerie) demande à ce que l'on tue un homme, Geneviève (Geneviève Page) sa veuve est prête à suivre le trio, un médecin (Bernard Crommbey) vient soigner la veuve avant de coucher avec elle. Enfin un détour dans un hôtel particulier, unique moment avec de la musique, du Brahms, une thérapie préparée par l'hôtesse (Denise Gence).


Mon film préféré de Bertrand Blier finit ainsi à la campagne avec encore une fois des visites au hasard. Comment Jean Benguigui puis Carole Bouquet venus tuer Alphonse Tram font pour les retrouver, peu importe, le film poursuit sa ligne sinueuse à l'image de des pavés de la banlieue, des colimaçons, du lit de la rivière, partout le danger de tuer et de mourir. C'est drôle, c'est beau, c'est génialement incarné.































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