« Uuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuune
histoire, lo laï lo laï lo laï lo laï lo laï lo laï lo laï lo
laï lo laï » J'étais allé voir La
Belle histoire au cinéma en
mars 1992 et j'ai encore la chanson dans la tête (il n'y a guère
plus de parole que cela). Certes, depuis sa sortie, j'ai revu le film
de nombreuses fois malgré ses 3h15, le plus long film que j'accepte
et arrive de regarder en entier sans me lasser malgré son
indécrottable mièvrerie et ses effets de manche. Il y a des films
qui constituent mon péché mignon et La
Belle histoire est mon plus
grand péché mignon.
Quelques
mois avant la sortie, Claude Lelouch avait accordé aux Cahiers du
cinéma son premier (et à ce jour son unique) entretien – c'était
pour Il y a des jours et des
lunes – où il racontait son
envie de filmer les mêmes acteurs sur une dizaine d'années, de
frôler leur évolution, dans une grande histoire d'amour aux
ramifications multiples dont il a le secret. Au lieu de cela, c'est
une histoire d'amour sur 2000 ans, rien que ça. Jacques Brel (La
Valse à 1000 temps), Jésus, Marie-Madeleine, des abeilles et la
réincarnation, voici les sujets de La
Belle histoire.
Jésus,
c'est Gérard Lanvin (l'acteur a dit tout le mal qu'il pensait de
Claude Lelouch dix ans plus tard dans une interview à Première, il
ne jouera plus jamais dans un de ses films) et Marie-Madeleine c'est
Béatrice Dalle (elle est revenu dans l'univers de Claude Lelouch
pour Chacun sa vie).
2000 ans plus tôt, elle est en admiration devant l'aura de Jésus.
Ils sont retenus prisonniers dans une prison troglodyte gardés par
des soldats romains. Ils vont nettoyer les lieux avec des boulets
enflammés.
La
fameuse mélodie de Francis Lai chantée en début de mon texte
accompagne toutes les scènes christiques, sans aucun dialogues. Deux
camps s'affrontent, les amis de Jésus (Marie-Sophie L. en chasseur
de miel, Paul Préboist, Patrick Chesnais) et les méchants romains
(Vincent Lindon, Jacques Gamblin, Gérard Darmon). On secoue tout ça,
on les empêche de s'aimer, on les massacre, mais leurs âmes vont
voyager et tenter de se retrouver, voilà le récit in extenso de La
Belle histoire, une histoire
de hasards et de coïncidences.
Trois
heures pour remettre tout en ordre. Monsieur Tricot (Paul Préboist)
explique tout cela aux élèves de Marie-Sophie. Merveilleux discours
sur les abeilles. Il claque dans ses mains comme s'il écrasait un
insecte, « hop, j'ai tué ma grand-mère ». La
réincarnation, une philosophie interdite par le rectorat qui vire
Marie-Sophie quand elle l'enseigne à ses élèves. Pas grave, elle
se confiera à son papa, un fabricant de marionnettes. Libre comme
une abeille, il partira voir du pays et tombera justement sur Jésus
Gérard.
2000
ans plus tard, il est gitan (défense de rire devant sa moustache).
Son papa (Charles Gérard) était cycliste et a mis enceinte sa maman
sur une étape du Tour de France. Tout ce beau petit monde va se
retrouver dans un château (après que Jésus ait vendu sa grande
roue place de la Concorde). On chante, on danse, on rit,
« Uuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuune histoire, lo laï lo laï lo laï
lo laï lo laï lo laï lo laï lo laï lo laï ». Marie-Sophie
n'est pas celle que recherche Jésus, il le comprend, il va devoir
encore voyager dans l'inconnu.
Béatrice
Dalle a comme meilleure amie Isabelle Nanty, elles font les 400
coups, elles piquent dans les magasins (tiens, que fait là
Jean-Pierre Beauviala, le fondateur des caméras Aaton, le temps d'un
plan, observant le larcin et l'arrestation). Deux flics sont au
taquet, Jacques Gamblin et Vincent Lindon. Moi spectateur, je sais
bien que Lindon ne pourra jamais séduire Béatrice, ils étaient
ennemis il y a 2000 ans (preuve documentaire à l'appui), mais il
insiste, jusqu'à rencontrer Anémone aux Chiffres et aux Lettres.
A
force de faire les 400 coups, Béatrice et Isabelle ont des soucis.
Pas rien d'ailleurs, Isabelle se retrouve sur un fauteuil roulant, et
c'est parti pour un périple en fauteuil, Béatrice s'éloigne encore
plus de Jésus mais va rencontrer un substitut, Patrick Chesnais,
rappelons-nous qu'il était compagnon de Jésus 2000 ans plus tôt.
Puis, le film tente une ouverture politique vers Israël,
Marie-Sophie s'y rend, Patrick Chesnais s'y rend (ils se
reconnaissent bien entendu), un attentat a lieu (leur avion explose).
Opera
maxima de Claude Lelouch, La
Belle histoire est évidemment
son plus beau film, émotion à chaque étage (les retrouvailles
entre Béatrice et Isabelle), humour à gogo, bons mots d'auteur
(celui d'Anémone au cabaret avec Vincent Lindon). Il fera une
nouvelle fresque énorme en 1995, Les
Misérables du XXe siècle, un
désastre, il fera jouer Bernard Tapie sur les hasards et
coïncidences, il aura encore des castings mirobolants (Chacun
sa vie) mais aucun n'atteindra
la réussite de La Belle
histoire que je vais continuer
à regarder tous les deux trois ans.
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