Dans
la grande période de personnages schizophrènes de Jim Carrey, juste
après le génial Man on the moon de Milos Forman (Andy
Kaufman aime être détesté vs. Tony Clifton déteste être aimé,
un documentaire sur le tournage est sorti récemment) et avant
Eternal sunshine de Michel Gondry (vivre ou non dans les
souvenirs), les frères Farrelly mettent les petits plats dans les
grands pour leur acteur. Me myself & Irene, tout est dans
le titre anglais mais aussi, mais moins finement Fous d'Irène
(au pluriel, on notera).
Jim
Carrey est Charlie, un sympathique policier du Rhode Island (un
retour au bercail après le Miami de Mary à tout prix) qui a
un gros défaut : il se laisse marcher sur les pieds par tous
ses concitoyens. Jamais il n'ose élever la voix (une fillette refuse
de sauter à la corde sur le trottoir), toujours il ravale sa fierté
(son voisin fait chier son chien dans son jardin), souvent il
abandonne l'application de la loi (il déplace lui-même une voiture
mal garée). Tout le monde constate, son chef en premier lieu (Robert
Forster) ce problème d'autorité.
Charlie
est gentil et les frères Farrelly narrent dans la meilleure séquence
du film l'origine de cette gentillesse démesurée. Il faut revenir
18 ans en arrière, Charlie portait alors une superbe moustache et
arborait une grande confiance en lui. Il était amoureux de Layla
(Traylor Howard). Ils sont tellement mignons au bord de la mer à
porter un t-shirt à l'effigie l'une de l'autre. Et ils se marièrent.
Tous les collègues policiers de Charlie font une haie d'honneur.
C'est enfin l'arrivée dans la petite maison du bord de mer où il
porte la mariée.
Devant
le pas de la porte, Charlie demande au chauffeur de la limousine s'il
accepte les chèques « you people accept checks ? ».
Ce dernier (Tony Cox) est un nain noir qui prend mal la question. Il
désigne Charlie comme un raciste à moins qu'il ne déteste les
nains. Layla prend le parti du chauffeur qui fait tôt de tabasser
Charlie avec un nunchaku avant que l'épouse ne succombe au charme du
chauffeur (par ailleurs diplômé en physique nucléaire). Layla et
le chauffeur, prénommé Shonté, se lancent des regards énamourés
devant les excuses de Charlie.
Neuf
mois plus tard, Layla accouche de triplés. Ils seront prénommés
Jamaal, Lee Harvey et Shonté Junior. Charlie ne voit pas que ces
enfants ne sont pas les siens et quand Layla arbore un t-shirt à
l'effigie du chauffeur de limousine et quitte Charlie, ce dernier se
mue dans un calme olympien qui durera 18 ans. Il élève ses trois
fils qui préfèrent vite l'humour de Richard Pryor ou Chris Rock aux
sitcoms WASP. Adultes, ils seront respectivement incarnés par
Anthony Anderson (acteur de l'excellente sitcom Blackish),
Mongo Brownlee et Jerod Mixon.
Me
est donc Charlie et myself sera Hank, le double maléfique du
premier, enfoui dans le corps depuis tant d'années et qui explose
enfin. Jim Carrey est redoutable d'efficacité pour les mimiques de
transformation d'un personnage à un autre, il faut dire que le thème
musical (we're gonna get you, sur une mélopée de percussions et
guitares) amène cette transformation de Jekyll à Hyde sur un mode
comique, du candide au trivial et inversement, comme le montre ce
plan enchaîné entre Hank en train de chier qui raccorde avec une
glace au chocolat.
Reste
Irene (Renée Zellweger), elle sert de tampon pour décoincer Charlie
et brider Hank. Irene est prise dans un complot basique qui ne sert
que de McGuffin au génie de Jim Carrey. Charlie est aidé dans sa
fuite avec Irene par ses trois fistons. Les Farrelly retournent les
clichés sur les Afro-américains, ils jurent à chaque phrase comme
dans les spectacles de Richard Pryor mais ils sont étudiants en
physique quantique. Le road movie en moto puis en train est traversé
de rencontres improbables, la plus belle est celle avec un albinos
(Michael Bowman).
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