Je
fais une petite halte dans les films adaptés des romans d'Agatha
Christie, c'est l'un de mes minuscules pêchés mignons – tout ça
remonte à une histoire familiale, ma mère était fan, je lui
montrais les films. J'ai déjà écrit sur Le Crime de l'Orient
Express de Sidney Lumet, le meilleur de tous, Hercule Poirot est
incarné par Albert Finney et, très rapidement, sur Meurtre au
soleil. Là, je me suis enfilé Ten little Indians de
Peter Collinson (1974), Mort sur le Nil de John Guillermin
(1978) et Le Miroir se brisa de Guy Hamilton (1980). Agatha
Christie revient à la mode, par l'esprit parfois (A couteau tirés
de Rian Johnson), dans de nouvelles formules hélas réalisées par
Kenneth Branagh (Mort sur le Nil sort en octobre).
On
le sait, ce qui importe dans les Agatha Christie, ce n'est pas de
deviner l'identité du criminel, c'est impossible et vain surtout,
mais ce sont les acteurs. Les 10 acteurs de Ten little Indians
(titré Dix petit nègres) reflètent l'origine de la
co-production pan-européenne du film, Charles Aznavour (le premier à
mourir), Stéphane Audran, Richard Attenborough (presque toujours
filmé en contre-plongée) Oliver Reed et d'autres vedettes de
l'époque. Tout est filmé en huis-clos, en Iran avec une idée qui
aurait pu être originale, l'action est contemporaine de sa
réalisation, pas de costumes, de robes de soirée pour les
personnages. C'est bien dommage car c'est cela aussi qui est amusant,
ce jeu de galeries où chacun campe dans sa classe sociale. Le film
est terriblement ennuyeux, très statique et paradoxalement le plus
vieillot de tous.
Sans
doute parce que Albert Finney ne voulait pas jouer à nouveau Hercule
Poirot, c'est Peter Ustinov qui reprend le rôle dans Mort sur le
Nil. Il est moins guindé que son prédécesseur, n'hésite pas à
rire de lui-même mais conserve son attitude prétentieuse (il sait
qu'il est le seul à résoudre l'énigme). La plus grosses différence
est que Peter Ustinov parle français, il peut sortir quelques
phrases au milieu de son anglais. Là aussi le huis-clos est
important, comme dans Meurtre au soleil en 1981, dans un bateau à
aubes qui fait une croisière sur le Nil. Une jeune héritière est
assassinée pendant le trajet. Hercule Poirot qui a toujours son
oreille dans tous les coins va se charger de trouver qui a commis le
crime. Bien évidemment, comme Le Crime de l'Orient Express,
comme dans Meurtre au soleil, tout le monde se connaît, tout
le monde a un mobile.
Dans
Le Miroir se brisa, la formule subit une variation, Angela
Lansbury est Miss Marple. Elle a une particularité, elle ne se rend
jamais sur le lieu du crime, elle n'interroge jamais les témoins et
éventuels suspects. Elle reste chez elle à boire son thé et faire
du tricot et tire les vers du nez à sa petite bonne comme à son
neveu, inspecteur de police de Scotland Yard dépêché sur place
pour l'enquête. C'est dans ces échos que se jouent toujours les
avancées et progrès de l'enquête, c'est d'autant plus amusant
d'entendre des éléments qui forment ce petit puzzle. C'est un jeu
de piste où Elizabeth Taylor, Tony Curtis, Rock Hudson et Kim Novak
sont dans une petite ville anglaise pour tourner un film holywoodien.
Les personnages de Kim Novak et Elisabeth Taylor se détestent
cordialement et s'envoient des horreurs l'une l'autre. Là aussi est
le petit plaisir de ces films, entendre des mesquineries par ces
vieilles stars hollywoodiennes.
Les
films ne manquent jamais d'humour, cela aussi est très appréciable.
Ne serait-ce que parce que Elizabeth Taylor et Kim Novak jouent des
parodies d'elles-mêmes, elles sont engoncées dans des costumes un
peu ridicules, elles sont imbues d'elles-mêmes. Angela Lansbury dans
la toute première séquence du Miroir se brisa, regarde un film
projeté dans son village, la pellicule crame mais elle annonce aux
autres spectateurs qui est l'assassin, elle a déjà deviné grâce
aux indices laissés par le récit. Hercule Poirot n'est jamais en
manque d'aphorismes qui laissent perplexes ses interlocutaurs. Mais
ce sont les duos qui amusent le plus entre le détective belge et les
suspects. Angela Lansbury joue une vieille alcoolique dans Mort
sur le Nil, elle titube à chaque scène, ce sont deux
interprétations totalement opposées.
Je
parlais plus haut des costumes, les actrices sont toujours hautes en
couleur. Bette Davis est en vieille dame respectueuse qui martyrise
sa « bonne », sa femme à tout faire, elle habillé en
garçonne. C'est Maggie Smith qui fait cette bonne désargentée
obligée de travailler pour son acariâtre, dans Meurtre au
soleil, elle sera au contraire très lumineuse. Jane Birkin est
dans les deux films, une bonne dans Mort sur le Nil, une
mondaine dans Meurtre au soleil. Tout le monde ment dans ces
films, tout le monde a quelque chose à cacher, tout le monde commet
des minuscules erreurs. Hercule Poirot est là pour traquer ces
mensonges, erreurs, cachettes, parfois aidé par un vrai policier
(David Niven dans Mort sur le Nil) qui ne comprend pas la
complexité de toutes ces gens. Même quand on sait déjà qui est
l'assassin, il subsiste ce plaisir désuet de voir toute cette
machinerie à l’œuvre. Moi j'aime bien ça.
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