Il
sort moins souvent son badge, N°2211, que son flingue un Magnum .44.
Harry Callahan (Clint Eastwood) préfère prodiguer la justice
lui-même plutôt que laisser les avocats appliquer la loi. Il
fonctionne à l'instinct, c'est un animal policier. Veuf et sans
attache, il n'est jamais chez lui, . Solitaire, il ne veut pas du
co-équipier que son chef lui file entre les pattes, le jeune Chico
Gonzalez (Remi Santoni). Ils partent en voiture faire des rondes de
nuit.
De
l'instinct, Harry en a besoin pour résoudre ce crime crapuleux
commis en pleine après-midi. Le soleil brille, une jeune femme a été
assassinée alors qu'elle se baignait sur une piscine en terrasse
(donc un quartier riche), Callahan trimballe sa grande carcasse
engoncée dans un complet veston cravate gris malgré ce très beau
temps. Pas loquace, il a compris tout de suite d'où a été tiré le
coup de feu fatal. De l'immeuble d'en face où il se rend tout de
suite, il collecte des indices.
Sa
grande force est aussi d'anticiper. Preuve à l'appui cette séquence
du hot-dog. Il aperçoit en face de son restaurant une voiture où le
conducteur fume clope sur clope. Il commande un hot-dog tout en
demandant au tenancier d'appeler la police. Il est sûr qu'un casse
est en train d'être commis. Tout en continuant de mâcher, il
traverse la rue, l'alarme sonne, il va à l'assaut, seul, des
cambrioleurs et n'hésite pas à tirer sur eux et la voiture qui
détale.
Callahan
s'exprime peu mais ses répliques sont d'autant plus percutantes.
Lors de ce casse, il regarde droit dans les yeux le gars gisant à
terre et lui sort « est-ce qu'il a tiré six ou cinq coups ?
Pour dire la vérité, c'est là qu'est la partie excitante. Ceci est
un Magnum .44, l'arme la plus puissante au monde et ça peut te
bousiller la tronche en un coup, tu devrais te demander « est-ce
que je suis chanceux ? Alors, punk ? ».
L'inspecteur
épargne son cambrioleur qui ne réplique pas ni n'utilise sa
mitraillette mais cette phrase reviendra en toute fin de film avec ce
Scorpio que Callahan n'arrête pas de poursuivre de boute en bout du
film. Scorpio (Andy Roobinson) est ce tueur impénétrable qui tue,
au hasard, ses victimes. Il envoie une lettre manuscrite au Maire de
San Francisco, il demande un rançon pour ne pas tuer plus de gens au
hasard.
Cette
lettre on la voit, on voit l'écriture enfantine, un peu bancale,
elle dénote un caprice de gamin malpoli, exigeant 100000 $. Don
Siegel filme le premier assassinat sans montrer le meurtrier. Mais
dès la deuxième proie choisie (un Afro-américain gay), il montre
le visage poupin de Scorpio, ses bouclettes blondes, sa ceinture avec
un signe Peace & Love. Cette image est comme celle de Dirty
Harry, trompeuse, les apparences ne sont pas celles de leur caractère
réciproque.
En
regardant les premières minutes de L'Inspecteur Harry j'ai
pensé à Shaft sorti la même année. L'un à San Francisco,
l'autre à New York, l'un policier maverick, l'autre détective privé
ironique, ils sont toujours coincés par la bureaucratie galopante
qui frustrent leur soif de justice. Harry Callahan est face à une
hiérarchie qui ne jure que par l'application de la Loi. Le procureur
général est obligé de libérer le Scorpio faute de preuves et
d'une arrestation musclée.
Tout
se passe pendant les nuits dans un parcours labyrinthique de San
Francisco où Callahan est mené, tambour battant et au pas de course
– superbe partition de Lalo Schiffrin – dans de nombreuses rues,
métro, places de la ville gigantesque. Scorpio joue sur l'épuisement
du policier, il joue la montre avec des rendez-vous précis pour
aller à l'étape de ce jeu de piste dont Callahan n'est pas dupe.
Il
sait pertinemment que Scorpio, lui, ne respecte pas les lois, il tue
des enfants et va en prendre en otages dans un bus scolaire. Toujours
masqué, il fait chanter des comptines aux enfants mais s'avère plus
inquiétant quand il voit Callahan le chasser. L'instinct de Callahan
lui permet encore une fois d'être en avance sur l'ennemi. Quelle
incroyable image que celle de Callahan, tout calme, sautant d'un pont
sur le toit du bus pour traquer sa proie.
Le
film irrigue tout un pan du cinéma américain, pas toujours très
racoleur, j'y trouve bien entendu John McLane dans ses aventures
solitaires. Mais surtout beaucoup de séries télé atroces (je pense
à Hooker avec William Shatner) où le flic nous sortaient
qu’exécuter un malfrat coûte moins cher aux contribuables.
Seulement voilà, dans L'Inspecteur Harry, ce n'est pas Harry qui dit
cette phrase mais le procureur général qui libère Scorpio.
J'exagère
un peu car le procureur dit que sans preuves, cela coûterait trop
cher aux contribuables. Mais si Callahan rend justice sans appliquer
la loi, c'est moins à cause de cette libération que parce que
Scorpio est inhumain. Callahan avait « sauvé » le
cambrioleur en début de film, son méfait était moins funeste que
celui de Scorpio. On n'est donc très loin des accusations de
fascisme dont la critique française avait accablé le film à sa
sortie en 1972.
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