Un
léger cheveu sur la langue, Léon (Claude Melki) est un tailleur
pour messieurs toujours tiré à quatre épingles, c'est bien le
moins, portant bretelles et nœud papillon. Seulement voilà, il est
un peu lent à façonner les costumes sur mesure. Ça n'en finit même
jamais, portant l'achèvement de la veste de jour en jour, de semaine
en semaine, retravaillant le modèle au grand dam de son ami qui lui
a commandé et qui aimerait tant le porter le dimanche suivant.
Son
atelier de couture, c'est son appartement. Le film n'en sortira que
ytrès rarement, Léon descend les poubelles (on est dans la cour
intérieur), Léon va au café voir ses amis qui jouent au billard et
se moquent de sa lenteur générale, Léon accompagne Arlette
(Chantal Goya) à la gare. Mais Léon partage l'appartement avec sa
sœur Marie (Bernadette Lafont), bien plus vive et pimpante que le
frangin. Elle aussi travaille dans l'appartement.
Sur
la porte d'entrée, il est bien indiqué l'activité de Marie,
voyante, mais Maxime (Jean-Pierre Marielle, sans moustache) lui
procure des clients qui viennent chercher autre chose que l'avenir.
Cela Léon l'ignore, Marie se prostitue chez elle, dans la petite
chambre pendant que Léon coud ou tente vainement de tirer de l'eau
du robinet de l'évier. Maxime se moque allégrement de cette candeur
qui ne cesse de l'étonner.
Et
puis arrive Arlette, la jeune femme vient de Morlaix pour faire
quelque chose à Paris. Elle débarque avec sa petite valise invitée
là par Marie qu'elle ne connaissait pas le matin-même dit-elle.
Elle plaît bien à Léon la petite Arlette, il va être tout soin
pour elle. Chantal Goya a une toute petite voix qui contraste avec
celle, forte et gouailleuse de Bernadette Lafont. La chanteuse n'est
pas venue seule, son mari Jean-Jacques Debout fait la musique du
film.
Dans
ce petit théâtre de la vie quotidienne où Léon occupe le centre,
le langage a son importance. Malgré son air rétro, le film est
dialogué à la moderne, ça passe par le langage fleuri, les
calembours (« t'es camé Léon »), les vannes bien
senties, les gros mots enveloppés dans de belles phrases. Le film
s'éloigne ainsi de la théâtralité, du hiératisme par une caméra
très mobile qui encercle les situations et touche une certaine
modernité.
Le
doux romantisme de Léon est mis à rude épreuve par la trivialité
de la vie. Arlette est transformée en poupée par Maxime et les
clients défilent à l'appartement : Luc Moulet, Rufus, Jacques
Doniol-Valcroze et le plus marquant Dalio. Le lieu est soudain devenu
un cabaret avec musiciens tziganes. Voilà la petite musique gaie et triste
de Jean-Daniel Pollet à l’œuvre, désuète tout autant que dans
l'air du temps.
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