Aux
Cahiers du cinéma, à chaque décennie sa vague de cinéastes, la
Nouvelle Vague (Godard, Chabrol, Rohmer, Rivette, Truffaut), la
deuxième vague (Jean Douchet, Luc Moullet, André Téchiné, Jean
Eustache, années 1980 (Léos Carax, Olivier Assayas) et les années
1970 la plus féconde mais la moins connue (Danièle Dubroux,
Jean-Louis Comolli, Serge Le Péron, Louis Skorecki, Pascal Bonitzer,
Jean-Claude Biette et Pascal Kané, mort ce lundi 31 août).
Quand
je découvrais la revue, j'avais repéré Dora et lanterne magique
avec ses photos en noir et blanc, je le découvre aujourd'hui le film
en couleurs, enfin, il faut le dire vite tant la copie que j'ai pu
voir est délavé (avec une nette tendance pour le violacé). Mais
voilà, c'est toujours un peu amusant de rencontrer au bout de tant
de temps Valérie Mairesse dans un de ses premiers films (c'était
avant Banzaï et Le Sacrifice, elle passait dans tous
les genres Valérie).
Dora
(Nathalie Manet) est une fillette qui va être au centre d'une course
poursuite entre une bande de malfrats tout droits sortis d'un polar
des années 1940 (pardessus et chapeau mou) et une fée nommée
Magdelène (Rita Maiden). Depuis la mort de son père Waldemar, un
savant un peu fou inventeur d'une formule magique. Les malfrats
veulent la formule et kidnappe la gamine. Elle se retrouve en pleine
forêt dans une hutte remplie de bûches gardée par un ogre hirsute.
Voilà
ainsi un film français, sept ans après Peau d'âne, avec une
fée. Plus que Delphine Seyrig, cette fée là a une longue robe
bleue, une baguette mais aussi un chapeau pointu. La grosse
différence est qu'elle vit dans un lotissement en construction.
Pascal Kané joue avec le bruit (un peu comme Godard à la même
époque), un bruit assourdissant des pelles mécaniques, comme pour
détruire un peu l'atmosphère magique qu'il tente de créer avec les
moyens du bord.
Film
fauché, c'est le moins qu'on puisse dire. Il est rempli de stock
shots d'animaux pour illustrer la forêt dans laquelle Dora s'échappe
quand la fée exauce son premier vœu. Elle grimpe sur le dos d'un
âne qui cause anglais (avec des calembours) munie d'un précieux
livre sur les rébus, devinettes et anagrammes qu'elle feuillette à
l'occasion. Le livre sert de guide à travers toutes les aventures
qu'elle va vivre à travers les continents, manière de sortir de la
forêt et du lotissement.
Beaucoup
de photos posées en transparence servent de décor aux aventures. Et
ça coûtait moins cher de filmer dans des décors naturels. C'est
devant une ferme que Dora croise Valentine (Valérie Mairesse), elle
quitte la ferme pour faire l'actrice à Paris. Valérie Mairesse est
en robe de soirée, tenant sa petite valise, minaudant avec ses
petites mimiques et sa petite voix acidulée. Mais les malfrats sont
encore à leurs trousses. Dora appelle la fée à la rescousse.
Parfois
elle va voir la lanterne magique de la fée. Le noir est installé et
la petite caméra lance ses images. Elles voient des bouts du Fils
du skeikh et du Masque de Zorro, Rudolph Valentino et Douglas
Fairbanks s'invitent dans le film et dans la vie amoureuse de
Valentine dans un mélange, parfois hasardeux, d'ancien et de
nouveau, à l'image de tout ce film étrange écrit par Raoul Ruiz
avec Pascal Kané, autant dire que c'est franchement étrange du
début à la fin.
Faire
un film comme ça, surtout pour un critique de cinéma qui a œuvré
pendant la période la plus sombre des Cahiers du cinéma (la période
Mao Tsé-toung), c'est très étonnant. Mais c'est un film de
cinéphile, l'exégète qui pourrait le voir, trouvera de nombreuses
références. On peut aussi penser en voyant Dora et la lanterne
magique les films d'Antonin Peretjalko ou de Bertrand Mandico,
cet esprit de débrouilles et croyance absolue dans le cinéma sont
les mêmes.
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