jeudi 3 septembre 2020

Dora et la lanterne magique (Pascal Kané, 1977)


Aux Cahiers du cinéma, à chaque décennie sa vague de cinéastes, la Nouvelle Vague (Godard, Chabrol, Rohmer, Rivette, Truffaut), la deuxième vague (Jean Douchet, Luc Moullet, André Téchiné, Jean Eustache, années 1980 (Léos Carax, Olivier Assayas) et les années 1970 la plus féconde mais la moins connue (Danièle Dubroux, Jean-Louis Comolli, Serge Le Péron, Louis Skorecki, Pascal Bonitzer, Jean-Claude Biette et Pascal Kané, mort ce lundi 31 août).

Quand je découvrais la revue, j'avais repéré Dora et lanterne magique avec ses photos en noir et blanc, je le découvre aujourd'hui le film en couleurs, enfin, il faut le dire vite tant la copie que j'ai pu voir est délavé (avec une nette tendance pour le violacé). Mais voilà, c'est toujours un peu amusant de rencontrer au bout de tant de temps Valérie Mairesse dans un de ses premiers films (c'était avant Banzaï et Le Sacrifice, elle passait dans tous les genres Valérie).

Dora (Nathalie Manet) est une fillette qui va être au centre d'une course poursuite entre une bande de malfrats tout droits sortis d'un polar des années 1940 (pardessus et chapeau mou) et une fée nommée Magdelène (Rita Maiden). Depuis la mort de son père Waldemar, un savant un peu fou inventeur d'une formule magique. Les malfrats veulent la formule et kidnappe la gamine. Elle se retrouve en pleine forêt dans une hutte remplie de bûches gardée par un ogre hirsute.

Voilà ainsi un film français, sept ans après Peau d'âne, avec une fée. Plus que Delphine Seyrig, cette fée là a une longue robe bleue, une baguette mais aussi un chapeau pointu. La grosse différence est qu'elle vit dans un lotissement en construction. Pascal Kané joue avec le bruit (un peu comme Godard à la même époque), un bruit assourdissant des pelles mécaniques, comme pour détruire un peu l'atmosphère magique qu'il tente de créer avec les moyens du bord.

Film fauché, c'est le moins qu'on puisse dire. Il est rempli de stock shots d'animaux pour illustrer la forêt dans laquelle Dora s'échappe quand la fée exauce son premier vœu. Elle grimpe sur le dos d'un âne qui cause anglais (avec des calembours) munie d'un précieux livre sur les rébus, devinettes et anagrammes qu'elle feuillette à l'occasion. Le livre sert de guide à travers toutes les aventures qu'elle va vivre à travers les continents, manière de sortir de la forêt et du lotissement.

Beaucoup de photos posées en transparence servent de décor aux aventures. Et ça coûtait moins cher de filmer dans des décors naturels. C'est devant une ferme que Dora croise Valentine (Valérie Mairesse), elle quitte la ferme pour faire l'actrice à Paris. Valérie Mairesse est en robe de soirée, tenant sa petite valise, minaudant avec ses petites mimiques et sa petite voix acidulée. Mais les malfrats sont encore à leurs trousses. Dora appelle la fée à la rescousse.

Parfois elle va voir la lanterne magique de la fée. Le noir est installé et la petite caméra lance ses images. Elles voient des bouts du Fils du skeikh et du Masque de Zorro, Rudolph Valentino et Douglas Fairbanks s'invitent dans le film et dans la vie amoureuse de Valentine dans un mélange, parfois hasardeux, d'ancien et de nouveau, à l'image de tout ce film étrange écrit par Raoul Ruiz avec Pascal Kané, autant dire que c'est franchement étrange du début à la fin.

Faire un film comme ça, surtout pour un critique de cinéma qui a œuvré pendant la période la plus sombre des Cahiers du cinéma (la période Mao Tsé-toung), c'est très étonnant. Mais c'est un film de cinéphile, l'exégète qui pourrait le voir, trouvera de nombreuses références. On peut aussi penser en voyant Dora et la lanterne magique les films d'Antonin Peretjalko ou de Bertrand Mandico, cet esprit de débrouilles et croyance absolue dans le cinéma sont les mêmes.

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