Josep (Aurel, 2020)
L'un des meilleurs films de l'année, rien que ça. Et pourtant à peu près tout me rebute dans Josep, le dessin d'abord pas du tout animé mais au contraire superposé, en esquisse (moi qui aime surtout la ligne claire), en hachure, en traits grossiers. Un récit en flash-back avec un jeune couillon qui vient visiter son grand-père mourant (avec une mère peu aimable). Une histoire d'amour trop pure, trop romantique. Une histoire d'amitié entre un gendarme (le grand-père en question) et un réfugié catalan. A la fin du film, je me suis retrouvé dans une vague d'émotions comme je n'en avais pas eu depuis bien des lustres. C'est une émotion qui rétrécit l'estomac et donne une larme à l’œil avec sincérité. Au programme de Josep, une multitude de dessins du camp de concentration de Rivesaltes au début de l'année 1939. Deux gendarmes racistes (François Morel prête sa voix à l'un d'eux avec saveur) et un bon gros gentil embringué malgré lui dans la collaboration jusqu'à ce qu'il rencontre ce Catalan Josep (voix de Sergi Lopez) et se lie d'amitié. Je crois que c'est la première fois qu'un parle de ces camps, c'est fait sans aucune retenue, le dessin se prête bien à la plus grande des cruautés dans la description détaillée de l'horreur – le film est un vrai film d'horreur. Je ne connaissais pas Josep Bartoli, le générique indique que ce sont ces dessins que l'on voit. Je ne veux pas seulement dire qu'on apprend plein de choses (cet ado c'est le spectateur) mais on les apprend avec le couteau sous la gorge. Avec sa brièveté, le récit est sec et tranchant « noir, blanc, dur, violent », comme dit Josep.
Lux æterna (Gaspar Noé, 2019)
Des lettres romaines capitales pour vaguement expliquer le projet, un bout de Dies irae de Carl Theo Dreyer pour les références et Béatrice Dalle, un peu éméchée, et Charlotte Gainsbourg, toute timide, causent sur un canapé. Le film est en scope, parfois le cadre ne prend que la moitié de l'écran, puis c'est un split screen. Ah la modernité, c'est quelque chose chez Gaspar Noé. Ça discute de ce film en train de se faire, Béatrice tourne son premier long-métrage sur une sorcière. « t'as déjà brûlé au cinéma ? Moi j'ai déjà fait une sorcière » dit Béatrice (c'était pour Marco Bellocchio à ses débuts). Charlotte n'a jamais brûlé au cinéma mais elle a fait un Lars Von Trier, ça vaut tous les bûchers. Charlotte reçoit un coup de téléphone, elle traverse tout le décor alors qu'on l'attend pour tourner la scène. Trois croix sur un bûcher, autour d'elle des mannequins, l'une d'elle veut appeler son agent pour se plaindre de la nudité qu'on veut lui imposer. Le chef opérateur se met à gueuler contre Béatrice, Béatrice se met à gueuler contre le chef opérateur. C'est tellement plus vrai et réel un tournage qui part en couilles. C'est bien simple on se croirait dans une émission de Pascal Praud sur l'Islam. C'est la première fois que je vois un film de Gaspar Noé en entier, je n'avais jamais vu aucun de ses films précédents et j'avais pas tenu plus 40 minutes de Climax. C'est donc lui l'homme de scandale du cinéma français, eh ben dis donc, tu parles de scandale.
Autonomes (François Bégaudeau, 2020)
On oublie souvent de le rappeler, François Bégaudeau a sauvé le cinéma français. La preuve, c'est lui qui a permis à la France en 2005 avec Entre les murs de Laurent Cantet de remporter la première Palme d'or depuis Sous le soleil de Satan, 28 ans plus tard. C'était lui le prof, c'était lui qui avais écrit le scénario. Le voilà devenu le chantre du réalisme au cinéma et tout Autonomes va dans ce sens, presque du Pialat. Le voilà embarqué dans la Mayenne chez des gens qui refusent la civilisation consumériste pour s'en inventer une autre (de civilisation). Il est à l'écoute ou plutôt au regard dans des scènes qu'on qualifiera d'emblématiques, surtout au travail d'ailleurs. Il suit au pas un rouquin un peu moins sympathique que les autres, un jusqueboutiste un peu couillon. Il s'avère que cet homme est un acteur et il est le seul à qui Bégaudeau s'adresse régulièrement. On est donc là dans la vieille rengaine du documentaire mis en scène et de la fiction documentée mais tout tombe à peu près à plat. Le jeune cinéaste pensait faire du neuf mais il se trompe un peu de cible.
Fin de siècle (Lucio Castro, 2019)
Le film est court mais il joue constamment sur la durée. Dans les 12 premières minutes, rien ne se passe si ce n'est, comme dans un vulgaire film de Rivette, la traversée de la ville par le premier homme. Il met sa bière au frigo, découvre Barcelone, va à la plage, se baigne, observe le deuxième homme. Il ne se passe rien et ça désamorce à peu près toute tentative narrative. Le récit sera de toute façon minimaliste, un peu de coucherie rapide, une danse endiablée. Mais le temps se déplie et se plie sans aucune indication, 20 ans plus tôt, 20 ans plus tard, mêmes acteurs sans aucun changement physique. On recolle le temps grâce au t-shirt Kiss (pas Prince, le groupe de glam rock). C'est un peu l'unique attrait du film mais c'est déjà pas mal.
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