mercredi 1 juillet 2020

Les Cadavres ne portent pas de costard (Carl Reiner, 1982)

Carl Reiner (1922 – 2020, il est décédé hier) est, je crois moins connu que son fils Rob Reiner auteur des quelques superbes comédies dans les années 1980 (Spinal Tap, Stand by me, Princess Bride, Quand Harry rencontre Sally et aussi Misery, pas franchement une comédie mais un film tellement jouissif. Je n'ai vu que deux films de Carl Reiner, ce film et L'Homme aux deux cerveaux, tous les deux avec Steve Martin, également co-scénariste. Carl Reiner a aussi joué dans les trois films de Steven Soderbergh, les Ocean's...

J'avais vu Les Cadavres ne portent pas de costard une douzaine d'années après sa sortie lors d'une reprise dans un cinéma de province. Noir et blanc, c'est un film des années 1930-1940 qui s'étale sur l'écran avec un générique comme jadis et une musique, celle de Miklos Rozsa, tout en violon et cuivres pour lancer la mort d'un scientifique, un certain John Hay Forrest, par ailleurs grand frabriquant de fromages, comme l'indique le journal que lit ce matin-là Rigby Deardon (Steve Martin), détective privé.

Après ce prologue en hommage au film noir, le premier gag avec cette une de ce journal est là, dans un léger décalage pas totalement hilarant mais qui dénote un certain sarcasme. Il faut se rappeler que certains magnat dans certains films étaient décrits comme « le roi de » quelque chose, ici le fromage. Steve Martin a choisi de jouer ce détective au premier degré, chapeau, chemise, bretelles, cravate, belle gueule et cheveux gominés. Rien ne permet sans dans certains détails de voir que Carl Reiner est en train de faire une comédie.

Puis arrive dans son bureau la femme fatale, la fille du roi du fromage, Juliet Forrest (Rachel Ward), portant son deuil et émue de voir le détective tenir ce journal. Elle s'évanouit et là commence les premiers gags typiques de Steve Martin, il pose ses mains sur la poitrine de l'actrice pour les remettre en place. Passons. Il est engagé pour mener l'enquête et il se dirige dans l'immense demeure des Forrest où il est accueilli par un majordome peur accueillant que joue Carl Reiner, avec son corps immense et imposant.

Le cinéaste a cette scène en début de film, il joue ce genre de majordome qui en impose, un homme plus maître chez lui que son propre patron, une sorte de Mr. Danvers (souviens-toi Rebecca), au regard dur, intransigeant, jugeant ce détective dès qu'il passe dans le vestibule. Puis, Carl Reiner est absent pendant tout le film jusqu'au finale où on apprend qu'il est un ancien nazi qui a fomenté un complot contre le Dr. Forrest. On s'en doutait et ce dénouement arrive, comme toujours dans un film noir, avec une grande explication.

Là où Carl Reiner amuse c'est que à la fois Juliet et Rigby veulent donner des explications sur le comment du pourquoi et que le majordome alias le général nazi peste contre cette attitude, il déclare en substance à ses ennemis que c'est au méchant du film de déclarer pourquoi il a si mal. Voilà, ce qui donne une certaine idée de l'humour de Carl Reiner, assez proche finalement de celui de Mel Brooks qui a lui aussi pastiché les genres les plus fameux du cinéma hollywoodien, avec des détournements comiques des éléments originaux.

Mais ce qui est le plus remarquable dans Les Cadavres ne portent pas de costards et qui justifie ce noir et blanc classieux est l'insertion de séquences des films noir de la Universal avec toutes ses stars de l'époque. Le procédé est simple, Alan Ladd, Humphrey Bogart, Burt Lancaster, James Cagney, Ingrid Bergman, Cary Grant, Barbara Stanwick ou encore Ava Gardner et Bette Davis viennent comme des personnages secondaires. En tout près de 20 films servent de liant entre les scènes filmées par Carl Reiner.

Chaque fois c'est avec le détective Rigby qu'ils discutent, c'est ainsi qu'avance le récit à grands coups de révélations délirantes. On voit des extraits des films originaux où ils dialoguent ensemble et les répliques de Steve Martin coïncident avec celles des stars de l'époque. Puis dans les plans ensemble, en simple champ contra-champ, une doublure passe devant ou derrière, sauf pour Cary Grant dans Soupçons qui partage un plan avec Steve Martin. Certes, on voit bien les différences de grain, des texture, de photographie mais tout reste harmonieux.

Pour dire la vérité, Les Cadavres ne portent pas de costard n'est pas si drôle que ça, malgré les gags récurrents qui ponctuent le film. Rigby ne supporte d'entendre les mots « cleaning woman », il est soudain pris de folie, Juliet extrait les balles reçues dans l'épaule du détective avec la bouche, un soldat d'une contrée imaginaire sud-américaine veut nettoyer le haut de pyjama du détective. Et aussi la phrase à Marlowe dont Rigby est fan « ne tombe jamais amoureux d'une cliente » et qu'il fait sienne quand bien même il tombe amoureux de Juliet.


Comme je l'ai dit, le récit cherche volontairement à être le plus incohérent possible, le plus incompréhensible possible, dans un hommage au Grand sommeil. Avec tous ces gags, réussis parfois, avec tous ses invités vedettes venus d'un autre temps et d'un autre film, on n'a pas le temps de suivre le récit, comme dirait l'autre « c'est voulu », le tout avec une ironie. Le film, c'est évident, a influencé autant Les Nuls que Michel Hazanavicius pour ses deux aventures de OSS 117 comme pour La Classe américaine, pastiche moins classieux et plus grossier.















































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