Depuis
30 ans qu'Uranus est sorti sur les écrans, je n'avais jamais
encore trouvé le temps de le voir, pas plus que Germinal, le
plus gros succès public de Claude Berri. Dans mon vague souvenir, la
critique de l'époque trouvait dommage que le film renvoie dos à dos
chaque personnage, résistant, collabos, attentistes. Il faut dire
que somme toute, les fictions sur l'immédiat après-guerre sont
rares, parce que c'est une période de grande confusion.
Le
village dévasté par les bombes dans lequel se déroule Uranus
est dans le Puy-de-Dôme, finalement un choix audacieux puisqu'il se
passe dans cette région où Marcel Ophuls avait tourné Le
Chagrin et la pitié, avec là aussi une vision qui ne convenait
à l'esprit de concorde de l'époque (le film avait été censuré
par la télévision). Ce village, Claude Berri le film en long et
large dans un travelling qui suit une femme Madame Archambaud
(Danièle Lebrun).
Le
petit théâtre du film va prendre vie dans deux lieux. En haut, dans
l'appartement commun où trois foyers vivent. Celui des Archambaud,
madame est déjà présentée, elle est mariée à Monsieur
(Jean-Pierre Marielle), homme au calme olympien, droit dans ses
bottes, mais qui confesse aisément n'avoir jamais été résistant
sans n'avoir vraiment soutenu Pétain. On dira qu'il est neutre. Ils
ont deux enfants, jeunes adultes, l'aînée Marie-Anne (Florence
Darel et le cadet Pierre (Hervé Rey) – on remarque la référence
à Marianne en ces temps de renouveau patriotique.
Autre
foyer, celui des Gaigneux, des communistes composé de Myriam Boyer
et Michel Blanc, eux ont deux jeunes enfants. La mère Gaigneux
s'enguirlande régulièrement avec la mère Archambaud dans un
classique de la dispute sociale entre bourgeoisie passéiste et
communistes. Mais les disputes restent anecdotiques, elles secouent
de temps en temps la petite routine de Madame Gaigneux, personnage
largement moins exploité que sa voisine et néanmoins adversaire.
Alors que Madame Archambaux aura une intrigue secondaire.
Enfin,
troisième foyer, celui d'un veuf, l'instituteur devenu cynique,
Watrin (Philippe Noiret). Il fait la liaison entre le petit théâtre
dans cet étage où un secret lui est dévoilé par Archambaud et le
reste du village, notamment le café de Léopold (Gérard Depardieu).
C'est dans ce café qu'il élit domicile pour faire la classe aux
enfants en cette année 1945. Léopold fait sortir tous ses habituels
clients, des vieux imbibés d'alcool et écoute avec passion les
lectures de l'enseignant, il se prend de passion pour Jean Racine et
se déclare, tout de go, poète.
Le
secret qui va pourrir l'harmonie précaire du village s'appelle
Maxime Loin (Gérard Desarthes), un collabo de la pire espèce. En
ces temps d'épuration où les Gaullistes sont alliés aux
Communistes, Loin ne peut pas aller bien loin. Il trouve refuge chez
les Archambaux. Maxime Loin est du village, il revient chez lui tout
en sachant bien qu'il est la proie des chasseurs. Il se cache à
peine, il partage le lit de Pierre – ce qui ne convient pas à c
dernier – tout en tombant amoureux de la jeunesse de Marie-Anne.
La
jeune femme semble de primer abord peu présente dans le film, mais
elle va vite influer sur tous les autres. Le collabo la trouve à son
goût mais sans rien tenter, le voisin communiste l'admire, notamment
parce que son épouse la déteste et elle a une amourette avec Michel
(Dominique Bluzet) le fils de Monglat (Michel Galabru), l'homme
antiquaire qui a su faire des affaires pendant l'occupation. Voilà,
le premier point de la structure du récit, les hommes aussi opposés
les une que les autres sont unis par la même passion.
Dans
sa construction savante, Uranus passe d'un personnage à un
autre, avec en son centre une accusation portée à Léopold par
Rochard (Daniel Prévost), le chef de gare, un communiste trop zélé
pour Gaigneux mais parfait pour l'édification des masses selon le
membre du Parti venu de la grande ville, le Jourdan (Fabrice
Lucchini), là Claude Berri se fait plus précis sur le rigorisme des
communistes, fustigeant le partisan théorique – Lucchini – et
plaidant pour celui qui agit pour le bien commun, l'esprit pratique –
Michel Blanc.
30
ans plus tard, une drôle d'impression se profile, non pas le renvoi
des salauds et des vainqueurs dos à dos, depuis quelques années on
a droit aux différents points de vue – tout se vaut – mais
plutôt que chacun joue un peu pour lui ou elle. Noiret fait du
Noiret quand il se fait nostalgique, Lucchini se cherche encore,
Prévost est visqueux à souhait devant l'ogre Depardieu avec son
faux nez qui affirme boire seulement 14 litres de vin blanc par jour
et déclamer ses vers qu'il compose, comme s'il faisait l'inverse de
ce qu'il donnait pour Jean de Florette.
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