Il
faut une bonne dose d’inconscience et pas mal de masochisme pour
subir ce que se fait subir Jean-Claude Zadi. Parce que le plus récent
faux documentaire vu avant Tout simplement noir était Guy
et Alex Liutz prenait grand soin à inventer un personnage fictif pas
toujours reluisant mais qui ne portait pas son nom et à peine son
visage. Lui, Jean-Claude est face caméra à causer dans sa cuisine
pour présenter son projet de manifestation de l'Homme Noir prévue
le 27 avril (le film devait sortir en mars).
Mais
dans cette cuisine et dans ce discours inaugural, la femme de
Jean-Claude ouvre la porte avec les courses et fait comme si de rien
n'était. La très blonde et blanche Camille (Caroline Anglade)
demande si son mari va se lever pour aller chercher Malcolm, leur
fils, à l'école. L'élément perturbateur est là dès le début du
film de Jean-Claude Zadi, se sera la marque de sa mise en scène. Un
grand gaillard aux dents toutes sorties qui va rencontrer des gens
pour avoir des soutiens pour sa manif. Le film peut commencer.
Il
faut d'abord présenter ce Jean-Claude Zadi, le prologue s'en charge
très bien avec quelques extraits de ses vidéos youtube. A vrai
dire, je ne sais pas si elles existent ou si elles on été conçues
pour le film. Peu importe, Jean-Claude y va à fond dans la
provocation, preuves à l'appui. Et ça ne plaît pas forcément à
tout le monde, plusieurs de ses interlocuteurs, que ce soit dans la
rue quand il se promène ou des vedettes, comme Lucien Jean-Baptiste
n'apprécient pas beaucoup ses sketchs sur la traite négrière.
Le
gag de Tout simplement noir est à peu près toujours le même mais
sans cesse renouveler par des variations infimes et infinies. Il
croise une célébrité noires, africaine ou de l'outre-mer, il parle
de sa cause. Devant le manque de préparation de son discours, de ses
motivations, de l'organisation, il se voit envoyer tout un tombereau
de critiques, d'abord sur le mode de la vanne (la grande mode du
cinéma) puis quand Jean-Claude s'enfonce dans ses contradictions,
l'interlocuteur devient carrément méchant, jamais content.
Le
plus formidable dans Tout simplement noir, c'est que c'est
drôle et que ça marche à chaque fois. L'humour de Jean-Claude Zadi
est fort, il trouve sa marque dans les improvisations très préparées
avec tous ceux qu'il rencontre, et il y a du monde (mes conversations
préférées, celle des racines autrichiennes d'Eric Judor,
l'assemblée d'arabes et juifs autour de Ramzy Bédia, le fight entre
Lucien Jean-Baptiste et Fabrice Eboué, la soirée chez Joeystarr).
Chaque fois, comme un Droopy, notre héraut finit face caméra avec
sa tête de cocker.
Une
rencontre pousse le récit plus loin, celle avec Fary (un comique que
je ne connaissais pas) qui joue l'opportuniste de service, le comique
qui va chez Hanouna pour défendre des causes mais uniquement si ça
fait avancer sa carrière. Comme Jean-Claude Zadi, Fary Lopes est
présent pendant tout le film dans la même posture où son
personnage inventé ne se donne pas le beau rôle, là encore ça
fonctionne dans cette écriture empreinte de dérision sur son image
publique (d'après une amie proche, c'est l'un des comiques les plus
trash du moment).
Fary
ne rate jamais une occasion de faire le bien pour lui, il tourne une
romance gay avec Ahmed Sylla. Le soir de la première, il n'y a que
des Blancs au cocktail. On en voit quelques autres des Blancs,
Mathieu Kassovitz fait passer un casting à Jean-Claude, là ça
devient glaçant. Parfois, c'est raté comme avec la fausse émission
Boomerang d'Augustin Trapenard. Et ce qui ressort de tout ça, c'est
que Jean-Claude dresse un portrait sans aucune naïveté, pas du tout
simple, bien politique de ceux qu'on ne voit que très peu au cinéma.
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