Staten
Island est le district de New York City le moins présent au cinéma,
les autres Bronx, Queens, Brooklyn et Manhattan ont tous eu des
grands films, mais Staten Island que dalle, à part quelques scènes
de Sœurs de sang de Brian De Palma et Working Girl de
Mike Nichols, entre autres. C'est une île un peu à part, pas aussi
peuplée que les autres districts, tout en collines, sans métro,
seulement des rues qui montent et descendent et un train qui va du
nord au sud.
Pour
aller à Staten Island, il faut traverser des immenses ponts en
voiture (comme au début du film) ou prendre le ferry gratuit (comme
à la fin du film). Sinon, on reste toute sa vie à Staten Island,
comme Scott Scalin (Pete Davidson) et ses quatre amis restent à
Staten Island. Igor, Oscar et Richie sont dans le garage à fumer des
joints, à boire de la bière, à draguer des filles réelles ou non
et à s'imaginer ce qu'ils vont bien pouvoir faire de leur vie dans
cette petite île.
Scott
a une passion : le tatouage. Il a le corps tout tatoué. Un
corps immense que celui de Pete Davidson, taille de joueur de basket,
tout maigre et un visage d'enfant qui semble n'avoir jamais grandi.
C'est quand même un drôle d'acteur, j'ai vu quelques sketches du
Saturday Night Live, il est capable de dire les pires horreurs avec
ce petit visage de bambin. Judd Apatow utilise ce bagout propre à
Pete Davidson pour les longues joutes verbales, c'est parfait.
C'est
lui le Roi de Staten Island, il se voit comme un tatoueur hors pair
et il espère enfin en vivre. Car pour l'instant, il vit chez maman
(Marisa Tomei). Sa jeune sœur part en début du film à
l'Université. Ils s'aiment bien tous, mais chacun épuise l'autre.
Il y a une plus grande tendresse dans The King of New York que dans
Crazy Amy, chacun ayant été écrit par leur interprète, comme un
palimpseste de leur propre vécu, fantasmes sexuelles et langage
châtié.
Jusqu'à
présent, Scott n'a jamais été embauché par aucun tatoueur. Dans
une courte scène cruelle, il se fait rembarrer par un tatoueur qui
ne lui propose que d'aller laver les chiottes et encore gratuitement.
Certes, Scott n'est pas très doué. La preuve se trouve sur les bras
et poitrails de ses amis (et de sa mère, la première sur laquelle
il s'exerce), des dessins de gamin, mal fichus, surtout les yeux,
l'un des gags récurrents du film.
Alors
passe un gamin de 9 ans, Harold (Luke David Blumm), les gars sont au
bord d'une plage de galets, à rien glander et Scott propose à ce
gamin de le tatouer. Le môme accepte mais dès que l'aiguille
commence à faire son œuvre, Harold crie et s'enfuit. Il ne reste
sur le bras que le tracé de l'encre, comme un raté quand on écrit.
Seulement voilà, le père d'Harold, le chauve à moustache Ray
Bishop (Bill Burr) entend bien crier justice auprès de Scott.
Ce
qui n'aurait pu être qu'un gentil gag se révèle le lancement du
film. Judd Apatow a pris du temps pour créer la situation, pour
circonscrire la topographie de Scott, ce gamin Harold va être le
déclencheur de la nouvelle vie de Scott. Et également de sa mère
qui va tomber amoureux de ce pompier divorcé et père de deux
enfants. Mais aussi du souvenir de ce père pompier mort dans un
incendie dont Scott enfouit les souvenirs sous ses tatouages.
Le
ton est d'une grande lenteur, ce n'est pas un reproche, c'est son
rythme, celui de Pete Davidson qui écrit le film sur Staten Island,
celui qui n'a jamais été fait. Il prend un temps précieux pour
peindre cet environnement. Pour dire la vérité, The King of
Staten Island n'est pas franchement une comédie. Certes, on rit
souvent aux petits malheurs de ce grand dadais, mais Pete Davidson et
Judd Apatow se sont bien gardés de faire des scènes d'anthologie.
C'est
au contraire une suite de portraits bien dessinés, l'inverse de ses
tatouages. Les quatre amis sont les plus caricaturaux mais il
esquisse la petite amie Kalsey (Bel Powley) avec plus d'acuité. On
trouve ici Steve Buscemi en chef des pompiers, là un oncle qui
accepte d'aider Scott malgré, des trajets à l'école avec les
enfants de Ray et Marisa Tomei grandiose, elle emporte chaque scène
avec tellement de douceur. Je suis tellement content d'aimer à
nouveau un film de Judd Apatow.
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