Chained
+ Beloved (Yaron Shani, 2019)
Ce
que promet ce double film (près de 4 heures en tout) est un double
point de vue, dans Chained celui du mari policier Rashi (Eran
Naim), dans Beloved celui de l'épouse infirmière Avigail
(Stav Amalgor). Le tout se passe à Tel Aviv chez ce couple de la
classe moyenne sans l'once d'un exotisme (pas d'ultra-orthodoxe,
aucune ombre du conflit israélo-palestinien). Elle est plus jeune
que lui, elle a une fille de 14 ans, ils essaient – en vain –
d'avoir un enfant. Dans Chained, on suit le travail quotidien du
flic, un type un peu brut de décoffrage qui pensant confondre des
jeunes qui pourraient cacher du shit dans leur caleçon, les fait se
déshabiller pour une fouille approfondie. Pas de chance pour Rashi,
il ne les a pas impressionnés. Deux des jeunes a porté plainte.
C'est le début de la chute du policier qui décide de placer son
impitoyable pouvoir sur la fille d'Avigail, fille qui ne supporte pas
la surveillance de son beau-père. Dans Beloved, Avigail est
toujours à l'image, le film n'est pas le simple contrepoint de
Chained, il se déroule quand elle décide de quitter Rashi pour
avoir quelques moments de calme. Autant Chained est violent,
chaotique, autant Beloved est doux, reposant (sauf pour le
personnage de Na'ama), deux images contradictoires mais réelles de
la vie de ces Israéliens travaillés par l'autoritarisme et la
liberté. Il faut préciser que comme pour les 5 Senses de
Rysuke Hamaguchi, Chained et Beloved sont largement
improvisés dans leur dialogues (souvent de sourd) sur un canevas
écrit à l'avance.
Eté
85 (François Ozon, 2020)
Pour
comprendre le projet un peu fou de François Ozon, il faut imaginer
qu'il fait un film qui n'aurait jamais pu exister en 1985, une
histoire d'amour entre deux adolescents homos. Mieux que ça, il
tourne ce film qu'André Téchiné aurait pu tourner s'il l'avait pu
(mettons tout ce que Rendez-vous ne raconte pas). Il faut
imaginer que ce jeune homme un peu Bohème, très sûr de lui, de son
corps, de son charme aurait pu être joué par Simon De La Brosse,
que cet adolescent timide et complexé (la preuve il ne veut pas se
déshabiller) aurait pu être incarné par Wadeck Stanzack, Juliette
Binoche aurait été la jeune fille au pair anglaise et enfin la mère
du premier garçon aurait été parfaite jouée par Catherine
Deneuve. André Téchiné n'a jamais pu le tourner ce film gay en
1985 et François Ozon le fait avec tous les clichés propres à son
aîné. Le jeu légèrement théâtral, les dialogues trop écrits,
les situations romanesques à l'extrême (la promesse un peu stupide
de danser sur la tombe de l'autre), le romantisme sombre, à peu près
nous est épargné mais tout est sensiblement décalé pour que
l'hommage ne soit pas trop visible. Pourtant, tout est lourd, appuyé,
fastidieux. A cela, François Ozon ajoute deux temps, celui du
présent et celui du souvenir pour créer un semblant de suspense.
Logiquement, le film ne dit rien sur 1985 ni sur aujourd'hui.
L'Amour
à la ville (Carlo Lizzani, Michelangelo Antonioni, Francesco
Maselli, Federico Fellini, Dino Risi & Alberto Larruada, 1953)
C'est
le seul cas de film à sketches conçu par le théoricien du
néo-réalisme, Cesare Zavattini. Autant dire que le film a
terriblement vieilli. Il prend l'aspect d'un journal, donc un rapport
documentaire à la réalité. Entièrement dédié à la condition
féminine dans l'Italie de 1953, certaines choses semblent ne pas
avoir changé (le tout dernier sketch « Les Italiens se
retournent » sur la drague de rue, c'est-à-dire le harcèlement
de rue). Le film montre l'état patriarcal, il développe quelques
sujets (le suicide par Antonioni, la prostitution par Lizzani, la
place de la fille-mère par Lizzani), mais ce sont les deux parties
de Fellini (proche de son approche kafkaïenne de 8 ½) et de
Dino Risi sur les bals du samedi soir où les jeunes gens se
séduisent (c'était son premier film de cinéma) qui restent les
meilleurs. Federico Fellini avait déjà ce sens de l'image quand il
filme ces longs couloirs où un journaliste est guidé par des
enfants espiègles. Dino Risi a le sens de la caricature, du gag
immédiat, du portrait immédiatement reconnaissable. Quant à
l'ensemble, il cherche tant à faire du journalisme qu'il en oublie
toute objectivité.
Exit
(Rasmus Kloster Bro, 2018)
Nostalgiques
du confinement, vous allez adorer Exit, ses lieux exigus, son
atmosphère suffocante, ses lumières blafardes. Les claustrophobes
vont avoir très peur pour les mêmes raisons. Deux films se trouvent
dans Exit, le premier est un film d'angoisse sourde qui prouve
qu'il n'y a pas besoin de l'artifice d'un monstre méchant et
visqueux pour créer un thriller. Le film joue sur la
dépressurisation de l'espace, notamment avec le son qui se déforme,
qui risque de faire mourir nos trois prisonniers, sur l'absence
irrévocable d'oxygène et sur l'accident qui les met dans cette
situation. Certes, ça se répète un peu parfois. Le deuxième film
parle du conflit entre les grands projets, ici la construction d'un
métro au Danemark, sujet de la journaliste très enthousiaste et un
pu naïve et ceux qui construisent ce métro, des travailleurs venus
des quatre coins du monde (d'où l'anglais du film), un Croate et un
Érythréen, dans des conditions atroces. Le tout est une immense
métaphore du grand capitalisme. Vaguement démonstratif mais
résolument déprimant.
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