Depuis
combien de temps j'avais envie de voir Duel dans le Pacifique. En
France, dans notre beau pays du cinéma, avoir le DVD zone 2 du film
ne sert à rien. Il est odieusement proposé en version doublée au
fallacieux prétexte qu'il y a très peu de dialogues. Comme si les
éructations de Toshiro Mifune en japonais n'avaient pas leur
importance. Plus pénible, le film est en 4/3 alors que le format
d'origine est en cinémascope. Ainsi lors de la première rencontre
dans le même plan entre Lee Marvin et Toshiro Mifune, seule la
moitié droite du cadre est visible.
Parce
qu'il a une importance incroyable ce cinémascope dans Duel dans le
Pacifique. Il structure les rapports entre les deux hommes. C'est le
Japonais qui tient le îlot, visible dès le deuxième plan, un petit
bout de verdure au milieu de l'océan. Le soldat Japonais (le seul
dont on connaît le nom, Tsuruhiko Kuroda) observe avec sa jumelle
l'horizon, il ne voit rien venir. Son uniforme est encore tout
entier, tout propre. Il est là échoué depuis un certain temps, on
en a pour preuve cette fontaine construite avec son canot pour
recueillir l'eau de la pluie ou de la rosée matinale.
Lee
Marvin, le soldat américaine à la barbe blanche, est au milieu de
la savane, caché par les branches et les feuilles. Dans ce
cinémascope qui embrasse les mouvements des personnages, la position
des personnages varie suivant qui chasse qui. En ce début de film,
quand Toshiro comprend qu'il n'est plus seul naufragé, il surplombe
la situation, il passe derrière le soldat américain sans le voir,
plus tard quand le Japonais vole le canot de survie, c'est Lee Marvin
grimpé sur une branche dans la mangrove qui observe son ennemi.
Ils
se jaugent sur la plage dans un hallucinante alternance de gros plan
sur leur visage et de plan d'ensemble. A gauche, Lee Marvin avec une
branche feuillue, à droite Toshiro Mifune avec un sabre sculpté
dans une branche (une autre preuve qu'il est là depuis longtemps).
Chacun imagine attaquer l'autre et le tuer. Le tout avec une musique
discordante de Lalo Schifrin en cordes stridentes, une musique
omniprésente dans le film, parfois surabondante, j'aurais parfois
préféré que John Boorman fasse plus confiance aux visages de ses
acteurs et à leurs gestes.
Finalement
personne n'attaque personne mais la seconde guerre mondiale s'invite
sur ce petit bout de terre isolé. Le pilote américain veut boire de
l'eau pure, non salée. La seule source est cette fontaine dans le
coin japonais. Toutes les ruses sont bonnes pendant que le marin
surveille son camp. Lee Marvin grimpe au dessus de l'autre, accroche
une liane à sa gourde et s'en sert comme d'un seau dans un puits.
Mais, patatras, il tombe de son promontoire et écrase la fontaine.
Plus personne n'a d'eau à boire, jusqu'à la prochaine pluie
torrentielle.
Un
peu plus tôt, le marin japonais avait chercher à asphyxier le
pilote américain en brûlant des branches fraîches qui dégagent
une épaisse fumée. Toutes les méthodes sont bonnes pour nuire à
l'ennemi. Ce premier acte, qui verse parfois dans le film d'action,
se prolonge par la crucifixion du prisonnier. La Japonais attache
d'abord l'Américain qui parvient à se défaire de ses liens, puis
les rôles sont inversés. Chaque fois, l'un humilie l'autre,
l'obligeant à pratiquer des tâches ingrates, Mifune est traité
comme un chien qui doit rapporter à Marvin un bout de bois.
Le
deuxième acte est plus pacifique. Lee Marvin détache définitivement
son prisonnier qui ne comprend pas bien. C'est l'entente cordiale, la
guerre froide avec quelques piques. Le Japonais trace un carré de
sable que vient perturber l'Américain. Le Japonais trouve une huître
de belle taille et entend bien la manger seul, mais l'Américain en
veut une part et ils se chamaillent. Dans ce temps long que constitue
le deuxième acte, les barbes poussent au fur et à mesure que les
uniformes se déchirent, s'amenuisent et le moral baisse.
Malgré
la barrière de la langue, d'où l'importance de la version
originale, les deux hommes veulent enfin s'en aller. Ils s'entendent
pour construire un radeau (là la musique de Lalo Schifrin est
absente). Puis c'est le troisième acte qui s'entame, le départ de
l'îlot pour aller retrouver les hommes et une île plus grande. La
traversée de l'océan n'est pas une partie de plaisir. Cette fois
c'est le soleil qui est filmé en gros plan avec ses effets sur les
deux anciens ennemis enfin unis dans l'adversité. Les peaux se
dessèchent, les coups de soleil sont brûlants, chacun mène la
barque à tour de rôle.
Cette
minuscule utopie de deux ennemis réconciliés débarque sur une île.
Ils ne savent pas si elle est habitée. Elle l'a été, par des
soldats japonais comme en témoigne les enseignes. Tout a été
bombardé. Les bunkers sont ravagés. En guise d'adieu, Toshiro
Mifune trouve un matériel chirurgical qui va servir à se raser, les
horreurs de la guerre sont détournées à des fins plus prosaïques.
Ils se changent, se rasent et trinquent au saké une dernière fois.
Ils ont abandonnés leur uniforme, leur vie de soldat, d'ennemis.
Il
ne reste plus que quelques vestiges, une photo d'une fiancée d'un
soldat japonais, un magazine Life avec un reportage sur la guerre où
des photos montrent des soldats Japonais morts . C'est dans ce moment
silencieux que l'immoralité de la guerre se reflète sur les visages
des deux hommes, sans savoir si la guerre est finie et qui aurait pu
la gagner. Furieux de voir ses compatriotes massacrés, le Japonais
jette le magazine. Ils ne sont déjà plus amis. Ils vont se séparer
définitivement dans ces ruines, ils partent chacun d'un côté
1 commentaire:
Chouette film, je connaissais pas. Merci !
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