lundi 25 janvier 2016

Les Chevaliers blancs (Joachim Lafosse, 2015)

On connaît tous, au moins dans ses grandes lignes, cette aventure menée en pleine présidence Sarkozy par un groupe de soi-disant humanitaires partis en Afrique aller chercher des enfants pour des familles d'accueil françaises. Vincent Lindon incarne Jacques, le chef de ce groupe. Il est en mission avec une demi-douzaine de personnes qu'il dirige avec énergie, assignant chacun à un poste. Toi tu monteras les tentes, toi tu installes le dortoir, toi tu déballes les valises. Tout le monde est enthousiaste, car la mission est vitale pour ces orphelins dans un pays en proie à une guerre civile.

Pourtant dès la séquence d'ouverture le plan que Jacques croyait bien huilé voit son premier déraillement. Entre l'aéroport et la maison qui va servir au groupe de quartier général, les 4X4 sont attaqués par des miliciens. Les Chevaliers blancs ne va jamais cesser de montrer toutes les embûches qui se mettent au travers de la mission de Jacques et ses comparses. Les réactions à ces obstacles sont diverses au sein du groupe, certains sont toujours partant pour atteindre leur but, d'autres perdent rapidement l'espoir que cela fonctionne convenablement.

Premier pépin, l'avion qu'a loué Xavier (Reda Kateb) est en panne. Impossible de traverser le pays pour rejoindre un village contacté par Xavier, présent sur place avant l'arrivée de Jacques, pour recueillir des orphelins. Jacques fait pression pour emprunter l'avion de secours (engueulade par le chef des pompiers à leur retour) et, parce que la pièce du moteur n'est pas encore arrivée, pour partir en Jeep à travers le désert et se faire canarder par les rebelles. Là, Jacques, toujours inconséquent, se fera engueuler par un militaire de l'ONU.

Pas d'enfants, donc pas de travail pour les bénévoles. Une infirmière désœuvrée en profite pour troquer sa blouse pour un boubou mieux adapté au climat local. Celui lui vaudra le courroux de Laura (Louise Bourgouin), la compagne de Jacques. Le couple est toujours prompt à faire la morale aux membres de l'équipe, à leur faire un chantage où, chacun l'un après l'autre, va voir la personne qui commence à douter en lui affirmant qu'elle ne pense qu'à elle et pas aux enfants. Joachim Lafosse filme ces conversations comme autant de lavage de cerveaux.

Voyant les risques pris pour se déplacer, puis quand les premiers enfants arrivent au camp, que certains ne sont pas orphelins, une violente dispute se déclenche lors d'un déjeuner. Les premiers à partir sont deux infirmières et le médecin (Yannick Renier), malgré les chantages de Jacques et Laura. Les clans se forment, et au milieu deux femmes. Bintou (Bintou Rimtobaye) sert d'interprète et Françoise (Valérie Donzelli) fait un reportage sur l'épopée. Même si on connaît l'issue du film tout comme les vraies ambitions de Jacques, ce sont Bintou et Françoise qui révèlent au spectateur ce qui se passe vraiment.

Joachim Lafosse a le tact pour ne pas créer un suspense racoleur, et, plus grand exploit, de ne pas enfoncer ses personnages dans une vision unidimensionnelle. Vincent Lindon en gourou narcissique dépassé par les événements mais incapable de se remettre en question est comme Jonathan Zaccaï dans Elève libre (le meilleur film de Joachim Lafosse) ou Niels Arestrup dans A perdre la raison. Oui, c'est cela, ces humanitaires ont perdu la raison et le film montre, non sans un humour glaçant, les fondations de cette prison mentale.

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