mercredi 20 janvier 2016

Legend (Brian Helgeland, 2015)

Deux Tom Hardy pour le prix d'un, c'est ça la magie du cinéma. La dernière fois que c'était arrivé, c'était Armie Hammer qui se dédoublait pour jouer les jumeaux co-fondateurs de Facebook dans The Social network de David Fincher. Et ça ne se voyait pas si on ne le savait pas, Armie Hammer n'était à l'époque pas aussi connu que Tom Hardy l'est aujourd'hui. Une certaine partie du public, les fans de Tom Hardy en tout premier lieu, attendent ce rôle qui vient après d'autres personnages forts joué par l'acteur, Bronson et sa moustache, son solo dans Locke, son masque pour Bane et pour Mad Max.

Tom Hardy est forcément l'attraction majeure de Legend, attraction comme on parlerait du Grand Huit dans une fête foraine. Il incarne Reggie sans lunettes et Ronnie avec des lunettes, le spectateur est certain de ne pas confondre les jumeaux Kray. Assez vite, la différence de jeu est visible. Reggie est calme, très souriant et pratique un humour mêlé d'ironie, comme lors de la scène d'ouverture où il va offrir du thé aux deux policiers qui le surveillent en permanence. Tom Hardy le joue comme un mec cool de la pègre. Pour Ronnie, il force sur les mimiques du visage (cela m'a fait penser au jeu de Channing Tatum pour son rôle bas de plafond dans Foxcatcher), marmonnant ses répliques et portant à chaque doigt, avec ostentation, des bagues.

Contrairement aux Frères Krays de Peter Medak, Brian Helgeland fait l'impasse sur l'enfance et la jeunesse des jumeaux. Le récit se plonge directement dans les années 1960, dans le East End de Londres. La voix off de Frances (Emily Browning), la femme de Reggie, lance la narration. Son point de vue est dans la lignée de Sunset Boulevard de Billy Wilder (elle s'en amuse d'ailleurs). Elle permet d'avoir une vision de l'intérieur mais oblique, puisqu'elle est régulièrement exclue des affaires de Reggie. Cela aurait été tout aussi efficace avec Nipper (Christopher Eccleston) le policier qui filent les frères, Payne (David Thewlis) leur avocat ou Teddy (Taron Egerton) l'amant de Ronnie.

La vie privée s'imbrique toujours avec le business de la pègre. La mère de Frances voit d'un mauvais œil son mariage avec Reggie, mais elle ne dit rien sur le fait que son fils Frank soit son chauffeur. La mère viendra en noir au mariage. Entre deux séjours en prison de Reggie, la pauvre Frances, qui aimerait que son mari se range des voitures, dépérit à vue d’œil et se goinfre de pilules. Comme ça ne se voit pas vraiment à l'écran, tous les autres personnages sont obligés de lui dire qu'elle a une sale mine. Le summum arrivera au bout de plus d'une heure de film quand la mère des jumeaux, qu'on n'avait pas encore vue, se moque d'elle devant tout le monde.

Plus romanesque, la vie de Ronnie est aussi plus caricaturale. En début de film, il vit dans une caravane au milieu des bois. Il aime les parties fines où il invite les gratin homosexuel des années 1960 à consommer du jeune homme. Il a un ou deux amants Teddy et Leslie. Taron Egerton, le jeune acteur de Kingsman services secrets, comme Charley Palmer Rothwell se contentent de sourire narquoisement à chaque coup fourré de leur maître, comme à ses excentricités. Mais Tom Hardy, producteur du film, qu'on a connu moins pudique, préférera les scènes de baston (toujours en beau costume) aux embrassades amoureuses, ni Teddy, ni Frances n'auront droit au moindre bisou. Certes, deux grands rôles mais au prix de trop nombreuses concessions.

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