samedi 26 décembre 2020

The Fake (Yeon Sang-ho, 2013)


En voilà un film particulièrement sinistre, du début à la fin, pas de happy end en vue, pas de rédemption, pas d'issue de secours, The Fake est une plongée dans un village perdu au fin fonds de la Corée. C'est l'animation qui à l'oeuvre, comme dans son film précédent The King of pigs. C'est d'ailleurs étonnant qu'aucun film d'animation de Yeon Sang-ho ne soit sorti en salle. Le cinéaste entre ses deux films de zombies en a tourné un, Séoul station débarqué direct en DVD. Je trouverai bien un jour l'occasion de le voir.

Le style d'animation est rugueux, quasi apocalyptique déjà avec des tons grisâtres, sombres, de nombreuses scènes se déroulent de nuit. L'apocalypse ne va tarder dans le village puisqu'il est promis à être enseveli par les eaux, pas une punition divine, un barrage va se construire. Les villageois vont être expulsés. En attendant, ils continuent leur petite vie rythmé par les visites à l'église provisoire, une grande tente installée. Ils prient à genoux sur des petits coussins, la dévotion est grande.

Dans la première séquence, on fait connaissance avec le pasteur. C'est un protestant évangélique – la pire race de chrétien – il est accompagné par un type immédiatement montré comme un salaud, sans doute lui le Fake du titre, le charlatan, qui fait tuer un chien attaché là par ses trois sbires, des gros costauds au cerveau vide. Le pasteur est jeune, bien propre sur lui, il ferait des miracles, c'est en tout cas ce que disent les villageois malades qui, par magie, ont retrouvé la santé. L'une d'elle a guéri de la tuberculose.

Joli et gentil pasteur contre affreux jojo, le « fils prodigue » qui revient au village des années après. Un ours mal léché, mine patibulaire, grosse voix, sale caractère, soulard invétéré. Pire que cela, il vole l'argent de sa fille – elle avait économisé pour aller étudier à Séoul – et le boit jusqu'à plus soif. C'est là qu'il croise le charlatan dans un bar. Ce dernier frappe avec une brique le soulard qui décide de porter plainte. Mais les policiers refusent d'enregistrer la plainte. Alors le père indigne choisit de se rendre justice lui-même.

Seulement voilà, personne ne veut l'écouter. Le film est construit comme une enquête mené par ce rustre pour lequel on n'a a priori aucune sympathie, et pour cause, il est franchement détestable. Il comprend ce que le charlatan prépare en secret : voler les indemnités des villageois. Il leur a promis une église toute neuve rien que pour eux. Mieux, il leur promet le paradis contre leur foi et cet argent : ils ne seront que 144.000 à aller au paradis. Les places sont rares. Les gens le croient, ils les a embrigadés.

De la même manière, le pasteur est donné d'emblée comme un gars bien sympathique qui a de la compassion pour tous (par exemple le débile mental sujet de moqueries qui perd sa grand-mère). Il fait même figure de victime du charlatan, obligé de lui obéir, sujet d'un chantage. C'est dans cette construction que le récit avance, deux courbes où l'empathie pour le pasteur (très haute en début de film) et le père (très faible) se croisent pour s'inverser petit à petit. C'est très habile d'une redoutable efficacité tout en manipulant bien le spectateur.

Reste le sujet principal du film, une lente démonstration de l'horreur de la religion, de l'esprit bigot, de l'endoctrinement. Yeon Sang-ho s'attache à de nombreux personnages, les ausculte avec tendresse et précision tout en avançant qu'ils sont rongés de l'intérieur par la religion (je le redis le christianisme évangélique est la pire de toutes), déjà des zombies. Le propos atteint une rare violence et l'animation permet de montrer ces visages hideux, les plaies de l'âme que le charlatan voulait acheter au rabais.

Aucun commentaire: