mardi 22 décembre 2020

Moloch (Aleksandr Soukourov, 1999)

Avant d'être une atmosphère délétère, glauque est une couleur, un vert qui tire sur le bleu, c'est la couleur de l'antre de Pingouin mon personnage préféré dans Batman returns, c'est la couleur d'ambiance Crash et eXistenZ de David Cronenberg ; ses films les plus sournois, c'est la couleur de presque tout Moloch que je n'avais pas revu depuis 1999. voir un film tous les 21 ans c'est une bonne moyenne.

Cette couleur permet de supprimer tout possibilité de réalisme et de sympathie pour les nazis, Moloch se passe dans le nid d'aigle du couple Eva Braun Adolph Hitler, là-haut tout perché sur une montagne. Un blockhaus imprenable où Eva Braun, seule, se promène toute nue, gironde, dans les pièces, sur la terrasse. Elle n'est observée que par les spectateurs et par des soldats vigiles qui se marrent de le viseur de leur mitraillette.

Elle fait des acrobaties, elle se trouve face à un aigle. Elle attend son amoureux. Dans Moloch, on se tutoie, on s'appelle par des petits noms. Elle l'appelle Adi, elle parle à Magda, à Joseph, le couple Goebbels. Elle immense, lui un nain. La taille ça compte, pour Aleksandr Soukourov ça exprime tout le ridicule de ce nabot qui se rêve le bras droit de Hitler, il le suit comme un chien, sans cesse poussé de côté par son rival Martin (Bormann).

Une seule journée. Les nazis arrivent le matin, ils pénètrent dans le château de briques et de pierres par une porte immense qui se referme dès qu'ils sont entrés dans le hall. Des soldats en grand uniforme portent des bagages, quand ils n'exterminent pas le monde, ils ne sont que des larbins interchangeables. Ils n'existent pas. Ils sont là pour servir. Un hall immense, vide de tout, un escalier mène à l'étage, la chambre et la salle à manger.

Un repas, un pique-nique, un deuxième repas rythment cette journée. Déjeuner, Hitler a bien pris garde de saluer les employés de cuisine, là est la différence avec les soldats esclaves. Il veut bien manger, il nous fait un topo sans queue ni tête sur ses goûts culinaires. Il ne mange pas de viande mais adore les orties. Au déjeuner, on sert une immonde soupe d'orties. Pauvres Joseph, Magda et Martin qui sont dégoûtés par ce mets.

Pour s'amuser, Hitler fait semblant d'inviter les petites bonnes. Elles n'y tiennent pas plus que ça, elles savent ce qui a été préparé pour le repas. Tiens si on faisait une promenade pour le goûter. Les soldats portent les paniers repas et un électrophone. On danse dans la nature, au milieu des bêtes. L'un s'éloigne du groupe, il va déféquer sur un bout de neige. Qu'il est pataud Adi quand il danse, un peu forcé par Eva.

Hitler se projette des actualités, de la propagande rassurante. Il s'en fout des images, ce qu'il aime, c'est la musique, il est en extase devant l'écran. Dernier repas le soir avant de partir. Un autre larbin note toute la prose de Hitler, toutes ces sornettes qu'il sort et que boivent Goebbels et Bormann, c'est à celui qui sera le plus obséquieux avec le Führer. L'homme qui note reste debout, il aimerait se joindre au dîner. Bormann le lui interdit.

Eva Braun cherchait quelques moments d'intimité. Dans la chambre à coucher, Hitler prend son bain, il se fait dorloter par sa maîtresse. Il regarde un portait accroché au mur, une femme, sa mère sans doute. Elle fait tout pour le garder avec elle. La journée touche à sa fin, elle sera encore seule, plongée dans l'ennui, abandonné par un type minable entourés de dégénérés avides de pouvoir qui foncent détruire le monde. Le glauque, c'est la couleur de folie pure.




























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