dimanche 13 décembre 2020

Fuite (Peter Nestler, 2000)

Une anecdote pour commencer. Léo Maillet voulait fuir la France en embarquant à Nice. Arrivé devant le navire, la milice française, avertie de la chose, commence à arrêter tout ce monde encombré par leurs valises et effets personnels. Voyant cela et ne voulant pas tomber aux mains de la Gestapo ou de la police française, Léo Maillet s'assoit, sort son carnet et commence à dessiner la scène. Un policier s'approche, observe et dit à Léo qu'il va le laisser travailler. Le dessin, l'activité principale de Léo, l'a sauvé.

C'est pourtant à cause de ses dessins, quand il s'appelait encore Leopold Mayer, qu'il avait dû partir d'Allemagne. C'était en 1934, lui le peintre juif était considéré comme un artiste dégénéré par les nazis. Ils ont détruit toutes ses œuvres faites en Allemagne. Il part pour Paris, se lie avec une certaine Margarita Hoess, il continue de peindre (ses peintures cachées pendant un certain temps seront également détruites par la Gestapo pendant l'occupation) et il ne cesse de fuir pendant toute la guerre avant de parvenir enfin à se rendre en Suisse en 1944.

En 1999, ce parcours est revisité par Daniel, l'un des fils de Léo Maillet, né en 1956. Peter Nestler filme se road-movie à travers le France, Paris, Saint-Rémy-de-Provence, Rivesaltes, Nice et quelques communes des Cévennes et du Loir-et-Cher. Le voyage dure quatre semaines, en voiture. A l'image, Daniel, qui parle un français correct, s'arrête longuement devant les lieux où a séjourné son père, il va poser des questions aux gens qui habitent là maintenant. Il est tout sourire et se met à dessiner lui aussi avec la méthode de son père, à la plume d'oiseau.

Dans sa maison pavillonnaire du sud de l'Allemagne, Daniel a conservé tout ce qui reste de son père. Le plus précieux est le carnet de notes qui contient tout le parcours de cinq ans en France. Par mesure de précaution, au cas où la Gestapo tombait sur ce carnet, Léo n'indiquait aucun nom, que des lieux. Mais il notait toutes les détails et surtout toutes les toiles qu'il peignait. On voit celles qui ont été conservées depuis. On entend les commentaires de Léo Maillet en voice over par un narrateur à la voix grave et posée.

Ce qui compte et impressionne dans Fuite est de faire le parcours comme Léo l'avait fait. Plus Daniel avance dans le temps, plus il trouve. Des indices puis des témoins. Vers Saint-Rémy-de-Provence, un monsieur de 75 ans se rappelle Léo. Il montre la cabane où il s'est caché quelques jours. Dans les Cévennes, il rencontre une vieille dame de 86 ans dont les parents avaient embauché Léo comme berger. Les anecdotes refont surface, la narration se fait plus précise, la confrontation avec le carnet intime plus émouvante.

C'est un film souvent étonnant que présente Peter Nestler, il commence doucement, un peu hagard sans savoir vraiment où il va, à l'aventure. L'évocation de la vie d'exilé de Léo Maillet devient de plus en plus vive, en un mot imagée. Avec ce qu'on entend et ce qu'on voit, on imagine exactement ce qu'il a subi, par exemple ce mois caché dans une mansarde d'un couvent de Provence, son évasion d'un train qui l'emmenait de Rivesaltes à Auschwitz où il perd ses dents du dessus. On navigue pendant 87 minutes entre suspense, humour et action.




























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