mardi 8 décembre 2020

De la Grèce (Peter Nestler, 1965) + Etre tzigane (Peter Nestler, 1970)

De la Grèce c'est 20 ans de lutte pour la démocratie grecque et contre les fascismes le tout en 27 minutes, en noir et blanc. Somme toute c'est d'une logique imparable que le pays qui a inventé la démocratie veuille se réapproprier le concept disparu sous les dictatures successives et pendant la seconde guerre mondiale. Peter Nestler part filmer les mouvements de manifestations qui menèrent en 1965 Papandréou au pouvoir. Il ignorait que quelques mois plus tard une junte militaire s'emparerait du pouvoir.

Entre le texte et l'image se déploie aussi une lutte. Tout du moins dans sa première moitié puisque le film remonte le temps, peu de documents datant de la guerre, de l'occupation nazie, quelques photos seulement. En revanche, sur le discours historique, Peter Nestler filme la vie quotidienne des gens pauvre, des paysans, des artisans, des vieilles femmes édentées, des ouvriers. Le film se poursuit avec des manifestations où s'opposent les partisans de la démocratie, très nombreux dans les rues, très joyeux, et les militaires à l'air sinistre, isolés du reste du pays.


















Je ne connais aucun autre film qu'Etre tzigane qui évoque la déportation des tziganes et des roms. C'est un peu l'équivalent de Shoah sur 48 minutes. Les témoins se suivent, face caméra, pour raconter leur sort, la mise hors du monde par les nazis, le départ dans des « camps de rassemblement » puis Birkenau ou Auschwitz pour l'extermination. Les témoins sont tous jeunes, ils étaient des enfants quand ils ont été chassés par la Gestapo. Ils vivaient dans le sud de l'Allemagne, en Autriche. Ils ont survécu tant bien que mal aux horreurs qu'ils décrivent la gorge nouée.

Mais leur exclusion de la société ne s'est pas arrêtée après la guerre. Les adolescents étaient placés dans des maison de correction, les adultes se voyaient refuser un passeport. Or sans passeport, pas de travail, sans travail pas de domicile fixe, sans domicile fixe, pas de passeport. Ils racontent par le menu les vexations subies, sans pour autant comparer la souffrance dans les camps à leur vie semi-sédentaire que l'Allemagne ou l'Autriche leur imposent. Le film a 50 ans, c'est soufflant de voir que pas grand chose n'a changé.

Dans les premières minutes de Etre tzigane, une main vient présenter des dessins au style très naïf, des portraits de tziganes faits avant guerre. Dans ce dispositif très simple où les portraites viennent les uns sur les autres dans un mouvement à la fois de caméra qui scrute les détails et le propre mouvement des dessins, il se crée un film d'animation primitif. Pendant ce temps, une voix raconte 600 ans de discrimination des tziganes. Le beauté du film vient de là, les hommes vivants comme morts de l'intérieur et les morts dessinés qui revivent par le cinéma.

















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