vendredi 4 décembre 2020

1974 une partie de campagne (Raymond Depardon, 1974-2002)

En décembre 1979, les lecteurs des Cahiers du cinéma découvraient la couverture de la revue : Valéry Giscard d'Estaing dans une scène de 50,81% de Raymond Depardon. 1974 une partie de campagne s'appelait encore 50,81%, le score de VGE au second tour de l'élection présidentielle de 1974. La photo était en noir et blanc (les Cahiers ne pratiquaient pas encore les photos couleurs à l'époque), Giscard dans sa voiture, en train de se donner un coup de peigne, des sous-titres en anglais « Did the press published my statement », traduction de ce que dit le candidat « Est-ce que la presse en a rendu compte ».

Dans le film de Raymond Depardon, Giscard est en couleurs. Dans cette scène, il se rend à Perpignan pour un meeting. Quelques jours plus tôt, il a annoncé sa candidature. Il est alors Ministre des finances et vit au palais du Louvre. C'était le premier long-métrage de Raymond Depardon, commandé par Giscard. Finalement jamais sorti avant 2002. Dans un long entretien aux Cahiers, Depardon explique tout sur 1974 une partie de campagne, comment il est arrivé à filmer VGE, ce qu'il a filmé et comment VGE a refusé la sortie du film. En 1977, il arrive une mésaventure similaire, son film Numéros zéro sur le Matin de Paris ne peut pas sortir. 1974 une partie de campagne est un film comme nul autre.

Le film suit Giscard de la sortie d'un conseil des ministres le jour de sa déclaration de candidature (au palais de l'Elysée) jusqu'au soir de sa victoire sur François Mitterrand, tard la nuit quand il rentre à soon ministère. Chaque fois, Giscard conduit sa voiture, une DS en prologue, une Peugeot en épilogue. Giscard est ainsi un homme comme les autres, il n'a pas de chauffeur pour aller au boulot. Pendant tout le film, tout au long de sa campagne électorale où il sillone la France, ce sera son message visuel, l'image de marque qu'il voulait délivrer dans le film. Il est comme tout le monde. Il en est persuadé.

Dans les meetings, où il arrive débonnaire, tout sourire (là aussi, son sourire est l'une de ses images de marque), il est accueilli par la foule (c'est très impressionnant de voir tant de monde si enthousiaste) avec chaleur. Dès qu'il prend le micro, c'est une autre chanson. C'est un discours terne, technocratique, terriblement ennuyeux. Plusieurs fois, on l'entend dire qu'il vient de Polytechnique quand il s'adresse en petit comité. Ça se sent, ça déborde de partout. Mais les gens préfèrent scander Giscard Giscard. Ils portent des t-shirts « Giscard à la barre », ça rime, c'est pas très beau mais ça rime. Il va de Strasbourg à Perpignan, de sa ville de Chamalières à Valence, de Montceau-les-Mines (pour bien indiquer qu'il aime les ouvriers) à Evreux.

Gros-Cul était le surnom employé par Le Canard enchaîné pour désigner Michel Poniatowski futur ministre de l'Intérieur de Giscard. Ponia suit Giscard partout. Ils se tutoient et eux seuls se tutoient. Ponia et Giscard c'est un peu Laurel et Hardy qui parcourent la France. Le grand maigre et le bon gros. Ils s'amusent beaucoup dans l'avion affrété par la République, dans les réunions, au téléphone. Devant la caméra, ils n'hésitent pas à envoyer quelques vannes, Mireille Mathieu en prend pour son grade, mais surtout Michel D'Ornano, député du Calvados, qui vient à la télé alors que Giscard lui avait dit de ne pas y aller. Raymond Depardon explique que c'est sans doute cette séquence qui est en cause dans la censure de Giscard.

Comme beaucoup d'hommes politiques, Giscard est plutôt satisfait de ses prestations. Au cas contraire, on le rassure. Sa fille Valérie-Anne est là souvent, ce sera la seule femme, tous les autres sont des hommes. Giscard prépare déjà la suite, il a un sondage sur d'éventuels premier-ministrables, parlant tout seul, il rit sur le 1% de Michel Jobert. A un meeting, Chirac à côté de Messmer tire la tronche. A peu près tout ce beau monde politique a disparu, Lecanuet, Fontanel, Labbé. Le débat Mitterrand Giscard est animé par Alain Duhamel (lui est encore là). Dans le finale, Depardon joue sur le suspense. Giscard est sur une terrasse du Louvre, il fait beau en ce mois de mai, sans cravate, il appelle Ponia toutes les demi-heures pour des résultats. Aux Tuileries un badaud le prend en photo, tout le monde aimait Giscard en 1974.




































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