La blonde s'appelle Andula (Hana Brejchova) mais tout le monde la surnomme Anča, elle est tout juste adulte alors ce petit nom lui va à merveille. Dans le dortoir, le soir, allongée sur le lit, elle raconte à ses amies ses amourettes. Dans cet hiver neigeux de la ville de province de Zruč, les loisirs ne sont pas nombreux. Alors Andula a deux petites amis en même temps. Un petit brun, qui a un scooter, qui lui a offert une bague et un garde forestier qu'elle a croisé en forêt (grâce à une cravate nouée à un arbre) mais il est marié.
La bonne nouvelle du jour est donnée par le patron de l'usine où travaille Andula. Des militaires vont venir faire des manœuvres dans le coin. Tout ça parce que la ville manque d'hommes, 16 femmes pour un homme dit-il lors d'une réunion. Ce n'est pas le cas d'Andula mais elle se rend, avec deux copines, à la gare. Une fanfare (encore et toujours chez Milos Forman) accueille les bidasses. Et là c'est le drame, grosse déception. Les militaires ne sont pas de jeunes et fringants soldats mais des réservistes plus tout frais.
En voilà trois de ces réservistes à qui Milos Forman leur réserve sa dose d'ironie comique. Les voilà au bal en train de regarder Andula et ses deux copines. Ils rêvent de coucher avec elle. Ils ne sont pas très beaux, un peu grassouillets, Milos Forman les a choisis aux petits oignons, binoclards, dents en avant, ils se croient irrésistibles (j'exagère bien entendu) et, après des discussions internes longues et laborieuses, ils se décident enfin à appeler le garçon du service pour leur offrir une bouteille d'un vin local.
Ils ne pourraient pas être leurs pères, ils n'ont sans doute que 15 ans de plus, mais le garçon est persuadé que les trois réservistes visent trois autres femmes, un peu plus âgées et un peu moins belles. Les trois autres femmes sont ravies et Andula et ses copines rassurées. Milos Forman mène son quiproquos tambour battant, c'est hilarant, avec un jeu de regards perturbés par les jeunes gens qui dansent sur du yéyé, augmentant la confusion entre les trois trios. Le plus téméraire rappelle le garçon pour lui dire sa méprise.
Mais la comique troupier se poursuit avec l'un des deux binoclards. Il retire son alliance du doigt, la met dans la poche de son pantalon. Pas de chance, l'alliance glisse sur le sol, roule et traverse toute la salle pour se retrouver sous la table des trois filles vexées d'avoir été rejetées. A quatre pattes, il rampe comme un pauvre diable, il s'humilie jusqu'au bout. Les femmes le narguent, elles font exprès de serrer les pieds (elles ont bien compris qu'il cherche l'alliance) et quand il se relève, il percute la table et se renverse le vin sur son dos.
Seulement voilà, Andula n'a pas du tout envie des trois réservistes. Elle a repéré le jeune pianiste Mila (Vladimir Pucholt) qui joue pour le bal. Elle doit d'abord convaincre ses deux copines de ne pas céder aux militaires. Elle, elle a déjà deux amants, elles, elles sont seules, alors pourquoi pas ? Les réservistes continuent de discuter, le binoclard à lunettes commence à ne plus avoir envie de draguer (ne serait-ce que parce qu'il est marié). Résultat des courses, ils se retrouvent comme trois ronds de flanc seuls dans la salle.
Voilà que Mila quitte son piano, il est très tard. Il a beaucoup de facilité à convaincre Andula de passer la nuit ensemble. Certes, elle résiste un peu, elle minaude, elle prétend qu'elle est fatiguée, mais Mila a un petit charme, du bagout, il est moins maladroit que les bidasses. Mila vient de Prague, ça lui donne immédiatement un attrait supplémentaire. Elle qui est ouvrière dans une usine de chaussures rêve de quitter sa petite ville. Les voilà dans une petite chambre pour l'une des scènes les plus belles des Amours d'une blonde.
Nudité pour commencer. Mila enlève sa chemise, Andula est déjà nue. Mila, complétement à poil, se dit qu'il va fermer le store pour ne pas être vus. Il a du mal (gag de répétition), cela retarde ses câlins avec Andula. Mais ce qui importe dans ces scènes de lit et de nudité, c'est à la fois la sensualité qui s'en dégage (lui dessus, elle dessous) et la grande pudeur avec ses discussions pleines d'espoir. Andula a le droit pour la première de se sentir aimée par un homme qui vient de loin, pas un garde forestier ou un gars qu'elle connaît depuis toujours.
La visite d'Andula à Prague pour rejoindre Mila est plus douloureuse, la passage de la théorie à la pratique n'est pas à la hauteur de ses attentes. Fraîchement accueillie par les parents du jeune homme (admirable découpage où les parents mènent la guerre à la jeune femme), elle finit sur le canapé. Milos Forman termine son film avec un ultime moment burlesque, le lit à trois (encore et toujours ce chiffre), les parents et Mila qui s'engueulent et se tirent la couette. Le spectateur rit de cette scène familiale mais pas Andula.
C'est vraiment avec Les Amours d'une blonde que, je crois, Milos Forman a vraiment trouvé sa forme de cinéma, ce subtil mélange entre gravité (Andula n'arbore presque jamais un sourire, sa bouche reste fermée, ses yeux sont souvent tristes), légèreté (le cinéaste a toujours eu le chic pour des trouvailles comiques) et constat que les hommes ne pensent qu'à eux. La vie dans la Tchécoslovaquie de 1965, c'est ça, la neige qui ankylose, les bals et l'alcool qui libèrent et l'amour qui aveugle jusqu'à en pleurer.
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