samedi 16 janvier 2021

Le Mépris (Jean-Luc Godard, 1963) 2/3

On lit tout le temps dans Le Mépris. Camille Javal (Brigitte Bardot) feuillette chez elle des beaux livres où elle voit des statues érotiques mais elle utilise un livre pour cacher ses fesses quand elle bronze au large de Capri, elle lit la monographie sur Fritz Lang dans son bain et traite Paul d'être « l'âne Martin » quand lui, avec son chapeau se voit comme Dean Martin. Dans Le Mépris, les initiales BB ne désignent pas forcément Brigitte Bardot, mais aussi Bertolt Brecht, Godard s'en amuse quand il fait citer le dramaturge par Fritz Lang.

Entouré de bouquins, une grosse pile à droite la machine à écrire, Paul aimerait écrire ce scénario de l'Odyssée. « Tu ferais mieux de prendre tes idées dans ta tête plutôt que de les voler chez les autres ». Il va abandonner ce projet non sans avoir parlé longuement, dans des lourds dialogues, de Homère avec Fritz Lang dans l'escalier autour de la villa Malaparte. A vrai dire, Paul cherche à comprendre pourquoi Camille le méprise depuis la veille à travers le comportement des personnages de l'Odyssée.

« Je t'embrasse » est le seule phrase écrite par Camille qui apparaît à l'écrire. C'est l'écriture de Jean-Luc Godard. Camille a écrit une lettre d'adieu à Paul que l'on entend en voix off, elle file dans l'Alfa Romeo de Prokosch pour « partir avec lui ». Elle détestait Prokosch, elle ne voulait pas monter dans cette voiture rouge mais elle voulait quitter Paul, elle ne voulait embrasser Prokosch à la fenêtre de la ville de Capri mais elle voulait que Paul la voit. Paul ne réagit jamais, comme Homère il ne peut que lever les bras en l'air, être comme une statue.

Personne ne mange dans Le Mépris, on ne mange jamais dans les films de Jean-Luc Godard, c'est une règle immuable. Plusieurs fois le repas est retardé, annulé, proposé sans qu'il n'arrive. Aller à la villa de Prokosch, pas loin des studios, en voiture, voilà de quoi se restaurer. Paul incite Camille à monter dans la voiture rouge du producteur, elle ne voulait pas. Il insiste, elle monte, il s'y rend à pied. C'est à partir de ce moment que Camille méprise Paul mais elle ne le dit pas, elle ne l'exprime pas, il doit lui tirer les vers du nez.

Dans la longue séquence de dispute dans leur appartement de Rome, Paul essaie d'accomoder Camille, de la divertir surtout. Encore une fois, elle demande quand ils vont manger. Lui se met à sa machine à écrire, puis il lui propose d'aller rejoindre Prokosch et Fritz Lang dans un cinéma (avec une attraction avant), enfin dans la villa de Prokosch à Capri, le repas prévu est encore une fois reporté. Mais la dispute augmente avec le mensonge de Paul concernant le coup de téléphone de sa mère pour savoir si elle a mangé avec Camille.

Dans cette immense dispute en temps réel dans un film qui comprend uniquement des séquences en temps réel, tout se joue sur le cloisonnement que Camille essaie d'installer entre elle et Paul. L'appartement où ils vivent est visité de fond en comble et Jean-Luc Godard montre les séparations du couple. Cela passe par les cloisons des pièces (Camille à gauche dans le salon, Paul à droite dans la cuisine), par les positions du corps, ils sont toujours opposés, assis, debout, couché inversement et par les tenues qu'ils changent dans cette séquence.

Ce sont essentiellement les couleurs qui prennent le dessus dans les oppositions. Fauteuils rouges et bleus, chacun le sien, peignoirs rouges et blanc, mais tout cela était annoncé dans la séquence dénudée en début de film. Camille nue et Paul habillé, elle demande ce qu'il préfère chez elle. Il l'aime « totalement, tendrement, tragiquement ». Dans cette scène, les couleurs se modifient au fil de la discussion, teinte rouge pour commencer, sans teinte ensuite puis bleue. Tout était déjà annoncé, ils ne le voyaient pas, nous spectateurs si.

(aller à la troisième partie du texte)






























Aucun commentaire: