De dos, d'un pas décidé, un type traverse un hangar, s'assoit à une table et annonce « ceci est le film Philips ». La firme hollandaise ouvrait ses portes à Joris Ivens et il pénètre dans une ville à part, un monde très peuplé, un continent à explorer. Le film ne se départ jamais d'un aspect mystérieux, c'est tout bête mais les appareils que construisait Philips en 1931 n'existent plus aujourd'hui. Ces haut-parleurs, ces enceintes, ces TSF grand format apparaissent comme autant d'objets que j'ai peine à identifier. On les voit parfois dans des fictions de l'époque, tout comme les standards téléphoniques avec les opératrices qui branchent les fils pour donner la communication.
Plus mystérieux encore ce sont les fabrications des lampes qui occupent une large partie du film. Les souffleurs de verre (certains travaillent en cravate, étonnant) entament le récit, avec leur longue tige, le verre incandescent, la forme prend vie sous nos yeux. Toutes les tailles sont permises, l'artisanat est là. La lampe va aller dans un autre lieu. Chaque lampe créée et conçue est l'occasion d'une variation entre le très concert (la matière, le travail) et l'abstrait (les dessins, les formes). Le tout dans un simple montage organique qui passe du plus trivial à la poétique, de l'usine au musée. C'est cela qui donne son rythme au film.
Cet aspect poétique ne doit pas cacher les ouvriers et les ouvrières. Travailler debout, même en cravate, n'est pas simple, travailler assis est la marque d'un travail à la chaîne. L'ouvrier spécialisés, comme on dit poliment, fait sans cesse les mêmes gestes, Joris Ivens joue aussi sur la cadence et le rythme comme mouvement purement cinématographique, comme un ballet qui ne cesse jamais, cela montre le déshumanisation de cet univers Philips. Finis les radios et haut-parleurs sont emballés, prêts à être achetés. Il n'est pas certain que les ouvrières qui enfilent les lampes pour les TSF puissent se payer les objets qu'elles fabriquent minutieusement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire