Depuis
Charlot boxeur, le héros du film de boxe est un anti-héros,
un loser, un outsider. Qu'il gagne à la fin, souvent une pure
convention hollywoodienne ou qu'il perde avec les honneurs ne change
rien à la poisse qu'il trimbale. Nous avons gagné ce soir de
Robert Wise, Le Baiser du tueur de Stanley Kubrick, Fat
city de John Huston, Rocky de John Avildsen, Raging
Bull de Martin Scorsese, comme Sparring premier film de
Samuel Jouy mettent en avant ces losers au destin peu enviable mais
pour lequel le spectateur se prend immédiatement de sympathie.
Notre
loser de Sparring s'appelle Steve Landry et Mathieu Kassovitz
offre son corps las de quadragénaire avancé (il est censé avoir 46
ans) est un boxeur en fin de carrière. Le match qu'il joue en début
de film se solde par un cuisant échec. Il n'ose pas dire à sa
copine Marion (Olivia Marilhati), femme plus jeune que lui avec
laquelle il a eu une fillette, qu'il continue les combats, pas très
glorieux d'ailleurs. Mais il faut rapporter de quoi payer la bouffe
et le loyer (cette fois l'action se passe en Normandie, ce qui nous
change des films situés dans le Nord). Steve ne rêve que d'une
chose, faire un 50e combat. Puis arrêter la boxe.
Seulement
voilà, personne ne veut de lui, compte tenu de son âge et de son
grand nombre de défaites. Sans en parler à Marion (encore une
fois), il décide de se faire engager pour être un sparring,
c'est-à-dire un punching ball humain pour un jeune boxeur, Tarek
(Souleymane M'Baye), promis à un brillant avenir et déjà célèbre
pour ses victoires. Quand Tarek voit débarquer à côté de deux
autres sparrings bien plus frais ce Steve qui fait peine à voir, il
le vire assez vite, non sans engueuler son manager d'avoir engager ce
vieux boxeur. Mais le vieux boxeur s'accroche à ses gants et offre
avec malice quelques judicieux conseils sur le futur adversaire de
Tarek.
Boxeur
loser et loser dans sa famille, c'est là que le film va chercher son
nœud narratif autour de la fille du couple (Billie Blain) étonnante
gamine androgyne fascinée par les exploits de son père et frustrée
de ne pas pouvoir assister à ces entraînements où le corps de
Steve se fait amocher. La scène la plus réussie est aussi la plus
cruelle, lors d'un gala, Steve se bat contre Tarek dans une
démonstration publicitaire. Tarek ne porte pas de casque et il joue
avec Steve comme avec un chiot sous les yeux de l'enfant autorisée à
assister à ce combat. Elle entend les moqueries des spectateurs en
l'encontre de son père.
On
peut aussi aller voir Sparring pour découvrir le dernier rôle
d'Yves Afonso, celui du père spirituel de Steve. Yves Afonso, qui
vient de décéder le 21 janvier, apporte sa gueule cassée, son nez
légendaire et sa voix comme aucune autre, l'idée précise que je me
fais de ce qu'est un boxeur qui ne gagne pas de match. L'acteur avait
joué dans plusieurs films de Jean-Luc Godard et avait incarné un
faux plombier dans L'Aile ou la cuisse de Claude Zidi. Il
venait voler le guide culinaire au nez à la barbe des employés de
Louis de Funès pour les donner au diabolique Tricatel. Une scène
très courte où sa silhouette est inoubliable.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire