lundi 31 octobre 2016

L'Etrange Noël de Monsieur Jack (Henry Selick, 1993)

« This is Halloween ! This is Halloween ! Pumpkins scream in the dead of night ». Les citrouilles hurlent au milieu de la nuit dans Halloween Town. La chanson d'ouverture de L'Etrange Noël de Monsieur Jack décrit toutes les angoisses enfantines possibles. La créature sous le lit, des doigts en forme de serpents, des araignées dans les cheveux, le clown au sourire sardonique, les ombres illusoires. Et ceux qui chantent sont des vampires, des rats morts, des squelettes, des pendus, des loups-garou, des sorcières, des zombies, bref des monstres divers et avariés qui peuplent la ville d'Halloween.

Le seul événement de cette contrée faite d'arbres morts, cimetières, d'escaliers dignes de Caligari, de châteaux hantés est Halloween, fête nationale du lieu. Dès que Jack Skellington a terminé la parade après avoir immolé par le feu son visage de citrouille, le maire de la ville, un homme aux deux visages, l'un souriant l'autre angoissé, ne pense qu'à une seule chose : organiser la fête des morts de l'année suivante. Et il apporte des idées neuves à Jack. Mais le squelette est parti en forêt avec Zéro son chien ectoplasme pourvu d'une truffe lumineuse.

Six fêtes nationales sont disponibles pour Jack, chacune représentée sur un arbre. La Saint-Valentin, la Saint-Patrick, Pâques, Halloween, Thanksgiving et Noël. Intrigué par le sapin enluminé, Jack ouvre la porte de Noël et découvre un monde enchanteur aussi rond, doux et coloré que son monde d'Halloween est rectiligne, rugueux et gris. Il va donc présenter Noël aux habitants de Halloween Town en demandant à Am, Stram et Gram, trois petits diablotins de kidnapper le Père Noël, renommé en VO Sandy Claws (mâchoires de sable) au lieu de Santa Claus.

Le Roi des citrouilles, comme Jack est surnommé à Halloween Tow,n veut prendre la place du Père Noël et distribuer les jouets à Christmas City. Comme pour le monstre de Frankenstein, la greffe ne prend pas. D'ailleurs, le savant fou de la ville d'Halloween a créé pour Jack des rennes en squelette qui effraient les bambins et alertent les parents. Le pauvre Jack se fait canarder par la DCA. Ils sont violents dans cette ville de Noël, rien à voir avec les habitants d'Halloween qui découvrent émerveillés la magie de Noël. Tu parles d'une magie. Un vrai cauchemard, oui !

Il ne reste plus qu'à Jack qu'à tout remettre en ordre. Il faut affronter le terrible Oogie Boogie, le monstre en sac à patates remplis d'insectes, double inversé et négatif du Père Noël. Il est aidé par Sally, la fiancée de Finklestein, le savant fou qui la retient prisonnière et qui s'enfuit en décousant les membres de son corps. Elle est amoureuse de Jack et réciproquement. Tout redeviendra dans l'ordre, le Père Noël partira d'Halloween en rouspétant. La morale de tout cela : Halloween est une fête bien plus intéressante que Noël, en tout cas au cinéma. This is Halloween, this is Halloween !





















dimanche 30 octobre 2016

J'ai aussi regardé ces films en octobre 2

Ma vie de Courgette (Claude Barras, 2016)
On va encore dire que je n'ai pas de cœur, mais Ma vie de Courgette m'a bien déçu. Pourtant tous mes amis cinéphiles aiment le film. Je me demande si l'addition des malheurs de ces enfants peut faire le bonheur des spectateurs. Ce qui est bien, c'est que les soucis dans la maison d'accueil se résolvent en deux secondes, le petit punk qui harcèle Courgette devient son meilleur ami, la gamine qui doit être gardée par sa méchante tante n'ira finalement pas chez la marâtre, le gentil flic vient rendre visite à Courgette. J'ai un peu ressenti le même ennui qu'en regardant La Tortue rouge, le même parcours vers la stricte normalité. Je mets au crédit du film de faire entendre du Bérurier Noir et une jolie fin émouvante.

Brice 3 (James Huth, 2016)
Le film commence comme OSS 117 Rio ne répond plus, dans un chalet de montagne. Mais hélas rien n'est drôle, ni les produits détournés, ni la bêtise crasse de Brice de Nice, ni les situations loufoques. Le film semble démarrer quand Brice est confronté à son usurpateur, un sosie maléfique habillé d'une combinaison dorée, comme le Batave dans Austin Powers in Goldmember. On cause marketing, public soumis, star system dégénéré. C'est vif et ça semblait vouloir critiquer ce vers quoi Jean Dujardin s'embarque depuis quelques films. Et puis au bout de 7 minutes, tout redevient banal et sinistre. Quelques jours après le film, j'ai croisé des enfants qui s'amusaient à imiter le geste de Brice de Nice en rigolant très fort. C'était donc eux le public ciblé.

Rien à dire sur Tamara d'Alexandre Castagnetti, une nouvelle variation de La Boum avec les abdos saillants du jeune Rayane Bensetti. Bref, rien de nouveau dans la comédie ado. Dans Jack Reacher Never go back de Edward Zwick, Tom Cruise castagne entouré de deux femmes, pour un agent secret solitaire, ça fait beaucoup. Bref, rien de nouveau dans le cinéma d'action.

samedi 29 octobre 2016

Boat people (Ann Hui, 1982)

Akutagawa, un journaliste japonais (George Lam) photographie la victoire des troupes nord vietnamiennes. Les soldats défilent dans la rue portés en triomphe par la population en liesse et le photographe compte rendre compte de l’état du Vietnam à la fin des années 1970. C’est un pays en mutation, c’est ce qu’affirme les dignitaires du régime et notamment Nguyen, un ancien membre du Parti qui guide les pas d’Akutagawa dans les nouvelles zones économiques développées par le gouvernement. Les enfants l’accueillent avec des chants, les pastèques sont juteuses, le soir il boit quelques verres dans la gentille demeure de Nguyen. Akutagawa a le droit de tout prendre en photos et tout est si joli, si charmant, si vivant qu’il ne se prive pas. Mais l’accueil des enfants dans l’orphelinat est trop enthousiaste pour ne pas cacher la solitude des enfants.

De retour en ville, il continue de prendre des photos. Sur le toit d’un immeuble en feu un policier poursuit un homme. Tous deux tombent du toit, mais seul le policier est secouru. L’autre homme, au contraire, reçoit des coups. Akutagawa s’en étonne, un policier présent sur place lui dit que ce réactionnaire ne mérite que de mourir et lui intime l’ordre d’arrêter de photographier. Evidemment, plus on lui interdit de prendre en photo ce qui lui apparaît comme être la vraie vie des vietnamiens, plus il ne demande que cela. Nguyen a beau tenter de le raisonner, rien n’y fait. Il obtient donc un permis pour prendre en photo ce qu’il veut et non plus seulement la zone N°16 où on l’avait conduit auparavant.

Dans ses promenades, il va faire la rencontre de Cam Nuong (Season Ma), une jeune femme qui ramasse des pâtes en vermicelle abandonnés par d’autres clients. Il va la suivre. Elle vit avec ses deux petits frères et sa mère dans une maison de fortune, dans un bidon-ville en périphérie de la ville. Si Akutagawa explique qu’il a le droit de les photographier, la mère explique que les Vietnamiens n’ont pas le droit de parler aux étrangers et qu’ils risquent gros. D’autant que les collègues de Nguyen, notamment les plus jeunes qui prennent du grade dans le parti à cause de leurs positions radicales, pensent que le Japonais pourrait donner une mauvaise image de marque au Vietnam.

Car Ann Hui en faisant de son personnage principal de Boat people un photographe confronte la volonté des Vietnamiens de montrer une image positive avec la réalité de la vie de la population. Akutagawa ne veut pas au départ faire un reportage contre le Vietnam, mais quand il se rend compte qu’on lui cache des choses et une partie de la vraie vie, il part seul à l’aventure, souvent à ses risques et périls. Tout bascule quand il voit partir avec un grand sourire Cam Nuong et son frère Van Nhac, coiffé d’un chapeau brodé d’un drapeau, après qu’ils aient entendu deux coups de feu. Ils vont dépouiller une couple qui vient d’être exécuté. Là, Akutagawa fait la rencontre avec Minh (Andy Lau, dans son premier rôle) qui vient de s’échapper de la zone économique N°15.

Dès lors, le photographe ne va cesser de plonger dans un monde qu’il n’espérait ne pas voir. Celui de la répression d’abord. Akutagawa se fait souvent reprendre par les policiers qui voient d’un mauvais œil ses activités. Mais désormais il a une autorisation de Nguyen pour tout photographier, au grand dam des autres camarades. Il saisit une scène où les policiers expulsent sans ménagement un marché non officiel, sorte de marché noir qui permet aux gens de se nourrir en dehors des circuits étatiques. Il est confronté aussi à l’extrême pauvreté. Cam Nuong et son frère sont obligés de faire les poubelles pour survivre. La mère se prostitue et même Cam Nuong envisage au début de sa rencontre de se vendre à Akutagawa, ce qu’il refuse.

Minh tente de voler son appareil à Akutagawa. Minh cherche de l’argent pour s’enfuir du Vietnam. Ann Hui explique que chacun veut quitter le pays mais que cela coûte très cher, qu’il faut corrompre les policiers et que cela se termine le plus souvent très mal. Minh est un réfractaire au régime et la visite de la zone économique N°15 s’apparente à un camp de concentration. Hommes enchaînés, appel torse nu sous la pluie, travail très long où ils doivent déminer des champs entiers sous la surveillance d’hommes armés. Mais Akutagawa se prend de sympathie pour Minh et va tout faire pour qu’il puisse quitter son pays.

Le parti pris politique de Boat people est clair. Ann Hui a de la compassion pour la population et elle montre les difficultés du nouveau Vietnam. Cependant, elle n’accable pas le pouvoir si ce n’est pour stigmatiser la nouvelle génération des cadres du parti qui ne semblent vouloir autre chose que le pouvoir au contraire de Nguyen qui croit au socialisme. Elle montre un Etat qui ne croit plus en l’idéologie. Boat people montre surtout la rencontre entre deux personnes solitaires Okutagawa le japonais cultivé mais ignorant des réalités du lieu qu’il visite et Cam Nuong sans éducation mais qui va apprendre la vie au photographe. C’est la naissance de cette relation, hors du cadre amoureux et sexuel, qui rend Boat people émouvant, son développement et son issue pleine d’espoir et tragique à la fois.



















vendredi 28 octobre 2016

From Vietnam (Ann Hui, 1977)

Egalement en complément de programme de Boat people, le moyen métrage From Vietnam suit le parcours d'un jeune réfugié vietnamien d'origine chinoise qui débarque clandestinement à Hong Kong. Ah Man a laissé sa mère au Vietnam avec l'espoir qu'elle pourra un jour le rejoindre. Il ne parle pas un mot de cantonais. La première partie du film dépeint le voyage dans les cales d'un bateau puis l'arrivée dans la colonie britannique où les passeurs piquent tout le pognon des migrants (rien n'a changé depuis 40 ans).

L'accueil n'est pas le meilleur possible, le jeune homme observe les Hongkongais le traiter si mal avec un regard désespéré et muet. Ah Man est logé dans un hôtel puis hébergé par son cousin arrivé, lui aussi clandestinement, trois ans plus tôt. Ah Man doit d'abord apprendre le cantonais, pour cela le meilleur professeur est la télévision. Il apprend vite et peut rapidement se débrouiller tout seul. Il veut ensuite trouver du boulot. Enfin, il attend d'obtenir des papiers pour pouvoir rester légalement à Hong Kong.

Ah Man va bosser pour un atelier de peinture qui reproduit des toiles à la chaîne. C'est un ami du cousin qui l'introduit dans ce boulot, un autre immigré vietnamien, mais illégal, il n'a jamais obtenu de papiers. Quand Ah Man découvre les activités professionnelles de son cousin, il est escort boy, le jeune homme rompt avec lui et s'installe chez son nouvel ami peintre. Il applique les mêmes méthodes que les Hongkongais comme s'il était déjà totalement intégré au pays et aux coutumes dont il était la victime quelques mois auparavant.

Le récit de From Vietnam se concentre sur ces trois personnages entre espoir d'une vie meilleure (le cousin veut partir aux USA mais il avait menti sur sa condition de migrant), angoisse d'un avenir incertain (le peintre va se faire expulser) et souvenirs du pays (Ah Man est confronté à la douleur d'avoir laissé sa mère au Vietnam au travers de flash-backs assez mièvres). Hong Kong n'est pas le paradis escompté. Cette courte histoire, parfois racontée avec maladresse, est le premier volet de la trilogie sur le Vietnam d'Ann Hui.